« Toujours dans les reflets du fleuve »

Philippe MATHY, ill. de Pascale NECTOUX, Veilleur d’instants, Paris, L’herbe qui tremble, 2017, 128 p., 16€, ISBN : 9782918220503

mathy.gifLes fleuves sont de redoutables pourvoyeurs de poèmes ! De Rimbaud qui en descendait les rives impassibles, aux poètes contemporains comme Jacques Darras ou Franck Venaille, ils auront charrié, dans les remous de leurs rimes ou dans la vase de leurs métaphores, de nombreux vers éternels et imparables. Mythique ou réel, le fleuve porte littéralement le poème à bout de bras. Avec ce nouveau recueil, Philippe Mathy rejoint cette lignée de poètes-nautoniers ! Partageant sa vie entre le Tournaisis et la Bourgogne, le poète balance son amarre de  l’Escaut à la Loire.

De la frontière française à Antoing, l’Escaut est un monsieur sérieux, en costume gris. Il avance sagement sur un chemin tracé. […] Ici, à Pouilly, la Loire est une jeune fille espiègle qui se déhanche entre les îles.

Densément peuplée d’anges, de nuages et de pluies fines, la poésie semble ici bercée par le friselis de l’eau, un soir calme de septembre, même si, çà et là, la caresse se fait un peu plus brutale lorsque le torrent du fleuve emporte la plume plus loin vers le large. Si certaines images semblent convenues, elles témoignent toutefois de la pérennité du cours d’eau qui, inlassablement, traverse le temps et les âges, insoucieux de tous les équipages qui ont pu le suivre. Le poète sait l’impossibilité à rendre compte du flux perpétuel du fleuve, métronome liquide qui rythme les saisons. Dès lors, il ne peut que se faire capteur d’instantanés, de menus moments que seuls les mots peuvent rendre mémorables.

De petits riens. Les bruissements les plus sobres. Vols de bourdons. Chants d’oiseaux. Feuilles qui frémissent dans le vent. Le murmure d’une voix s’élève pourtant. […] Pour peu que nous l’écoutions avec une totale attention, elle nous conduit jusqu’au chant.

On l’aura compris, c’est bien la musique du fleuve qu’il convient d’entendre et d’écouter attentivement. La narration que cette voix fluide transporte en elle est celle du monde qui roule. La poésie de Philippe Mathy est douce et économe et les quelques illustrations de Pascale Nectoux qui l’accompagnent sont comme de petits affluents qui serpentent dans les fourrés. Il ne reste plus cher lecteur que de t’y baigner car

c’est toi que l’eau traverse
peut-être pour te laver
du temps qui va

Rony Demaeseneer