Archives par étiquette : Philippe Mathy

Entre concerté et spontané

Philippe MATHY, Derrière les maisons, ill. de Ramzi Ghotbaldin, L’herbe qui tremble, 2023, 120 p., 16 €, ISBN : 978-2-491462-49-9

mathy derrière les maisonsAssurément, la poésie de Philippe Mathy n’est pas de celles qui sapent les codes existants ou en instaurent de nouveaux, qu’ils soient stylistiques, thématiques, diaristes ou autres. Contrairement à maints auteurs contemporains, le poète fait confiance aux mots, à leur vertu de transparence, qu’il s’agisse de transcrire des percepts, des sensations, des rêveries, des pensées. Cette docilité langagière trouve écho dans le contenu de ses propos, totalement dénués d’amertume ou d’agressivité, férus au contraire de communion et d’harmonie… Et pourtant, ce nouveau recueil le confirme une fois de plus, la mièvrerie n’est pas au rendez-vous : on ne sait comment, Ph. Mathy réussit à faire de la douceur une force, du banal un ravissement, de la simplicité un plaidoyer. L’attitude qu’il adopte est « contemplative » à la fois par la dilection envers le monde naturel et par la dimension monacale de la quête, semblable à un exercice de méditation : tel qu’il s’y raconte, le poète vit en effet dans un isolement généralement serein, proche de l’ascétisme, à mille encablures de la société de concurrence et de consommation, comme soucieux d’un cheminement intérieur, infatigable, dont cependant la clé ultime reste à première vue non-dite. Continuer la lecture

Contre la douleur, la couleur…

Philippe MATHY, Dans le vent pourpre, Gouaches André RUELLE, Herbe qui tremble, 2021, 116 p., 16 €, ISBN : 9-782491-462161

mathy dans le vent pourpreConstitué de sept sections, chiffre symbolique s’il en est, présent dans de nombreuses cultures, désignant l’absolu, la totalité, l’émergence d’un monde nouveau et l’union des contraires, le présent recueil de Philippe Mathy, rehaussé de gouaches sur papier du peintre André Ruelle (Charleroi, 1949), s’inscrit dans l’esthétique habituelle du poète, avec toutefois une tonalité plus noire, plus dramatique pour les poèmes écrits pendant une résidence d’écrivain à Verdun ainsi que pour ceux de Jours de cendre. Dans le vent pourpre ; Dehors, mains ouvertes ; Rive de Loire et Belle-Ile s’offrent comme des suites renouant avec une méditation sur la beauté de la nature, méditation non dénuée de gravité, sur la sensibilité et l’ouverture à l’autre, sur la fragilité de la vie mais aussi son incomparable pouvoir d’émerveillement. Des poèmes de circonstance clôturent un recueil de belle facture, avec d’incontestables réussites, comme dans ce poème dédié à la mémoire d’André Schmitz : « (…) tes poèmes brûleront encore/comme le feu bleu d’une ambulance/sans que nous sachions/si elle nous conduit à te rejoindre/ou peut-être à nous guérir/de la blessure de vivre. » Continuer la lecture

Le néant, la plénitude

Philippe MATHY, Étreintes mystérieuses, illustrations Sabine Lavaux-Michaëlis, Ail des ours, coll. « Grand ours », 2020, 8 €, ISBN : 978-2-491457-04-4

mathy etreintes mysterieuses« La culture de la poésie n’est jamais plus désirable qu’aux époques pendant lesquelles, par suite d’un excès d’égoïsme et de calcul, l’accumulation des matériaux de la vie extérieure dépasse le pouvoir que nous avons de les assimiler aux lois intérieures de la nature humaine »[1]. Tous les hommes sont des poètes, dans la mesure où ils éprouvent le besoin d’exprimer et de reproduire leurs émotions dans un certain rythme. Si le poète est l’homme imaginatif par excellence, son influence sur les lecteurs et sur toute la société sera déterminante, quoique imperceptible à l’œil nu, soutient le poète romantique anglais : « Les poètes sont les législateurs non reconnus du monde ». Sous cet emblème, Philippe Mathy poursuit, depuis Promesse d’île (1980) et une dizaine d’autres livres, un travail de réflexion intérieure sur le rôle du poème et du poète : « Poètes, nous sommes des passeurs qui ignorons où émerge l’autre rive ». C’est une chance car si « le poète parle et ne sait pas (…) il ne se lasse pas d’avancer vers Celui qui sait et ne parle pas » ; il est « un guetteur sans but » attentif à l’étreinte mystérieuse d’un monde délivré du temps, voué à une « sorte de néant que l’on pourrait aussi nommer plénitude ». Continuer la lecture

Puis la nuit tombe

Philippe MATHY et André RUELLE, Battements crépusculaires, Tétras Lyre, coll. « Accordéon », 2019, 10 €, ISBN : 978-2-930685-40-3

L’aube à peine effacée
vite passée comme l’enfance

Le temps de goûter
aux parfums des jours
blancheur de l’aubépine

Ce sont tant de haies
dressées comme des murs
dans le labyrinthe de vivre

et déjà
le crépuscule s’avance
 

Si la vie « linéaire » est faite de l’alternance du jour et de la nuit, c’est une autre temporalité que révèle le recueil Battements crépusculaires de Philippe Mathy et André Ruelle. Le livre donne en effet à éprouver une dimension temporelle confinant au cycle cardiaque de la systole et de la diastole, comme en accordéon – à l’image du nom de la collection des éditions Tétras Lyre (qui a récemment fêté ses trente ans) dans laquelle s’inscrit ce livre. Cette temporalité est celle des « lézards / [qui] semblent voyager / au hasard », fissurant la trame des jours qui sont et seront vécus, teintés de « temps de pluie » et de moments de « défaillances », mais qui permettent aux rêves et aux projets d’éclore. Continuer la lecture

Lumière – eau

Philippe MATHY et Anne LE MAÎTRE, Îles de la Gargaude, Atelier des Noyers, coll. « Carnets de nature », 2018, 48 p., 10€, ISBN :978-2-490185-09-2

Dieu sait combien certains paysages sont propices aux promenades silencieuses, à la contemplation et à la réminiscence. Le paysage des îles de la Gargaude, modulé par la Loire, en est un. Du moins, c’est ce dont rend compte ce recueil issu de la collaboration entre le poète Philippe Mathy et l’aquarelliste Anne Le Maître, publié dans la collection « Carnets de Nature » des Éditions de l’Atelier des Noyers. Les circonstances de la rencontre entre Le Maître et Mathy, formulées à la fin de ce petit livre,participent à la douceur de l’ouvrage : fruit d’une rencontre entre l’artiste et l’écrivain au début de l’été 2017, ce livre aura mûri au fil des saisons et est offert au regard à l’automne 2018. Voilà qui tombe à point.

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Prix Mallarmé pour Philippe Mathy

mathy portraitLe Prix « Mallarmé 2017 » récompense Philippe Mathy pour son recueil Veilleur d’instants (L’herbe qui tremble). Ce Prix récompense un poète d’expression française pour un recueil de poèmes ou pour l’ensemble de son œuvre. Présidé par Sylvestre Clancier, le jury est constitué de l’ensemble des membres de l’Académie Mallarmé. Continuer la lecture

« Toujours dans les reflets du fleuve »

Philippe MATHY, ill. de Pascale NECTOUX, Veilleur d’instants, Paris, L’herbe qui tremble, 2017, 128 p., 16€, ISBN : 9782918220503

mathy.gifLes fleuves sont de redoutables pourvoyeurs de poèmes ! De Rimbaud qui en descendait les rives impassibles, aux poètes contemporains comme Jacques Darras ou Franck Venaille, ils auront charrié, dans les remous de leurs rimes ou dans la vase de leurs métaphores, de nombreux vers éternels et imparables. Mythique ou réel, le fleuve porte littéralement le poème à bout de bras. Avec ce nouveau recueil, Philippe Mathy rejoint cette lignée de poètes-nautoniers ! Partageant sa vie entre le Tournaisis et la Bourgogne, le poète balance son amarre de  l’Escaut à la Loire. Continuer la lecture

Les remous du temps

Primaëlle VERTENOEIL

mathysÀ un rythme régulier, Philippe Mathys publie des recueils de poésie, souvent d’une grande qualité, tant stylistique qu’esthétique. Avec ce dernier recueil, Les Soubresauts du temps, publié au Taillis Pré, Philippe Mathys approfondit une fois de plus des thèmes qui lui sont chers, parmi lesquels le rapport à la temporalité et à la nature. Sujets poétiques quelques peu « banals » chez certains, ils n’en restent pas moins, sous la plume de Mathys, des préoccupations personnelles d’une grande profondeur. Continuer la lecture