Martine ROLAND, C’est un secret entre nous, Memory, 2016, 199 p., 19 €, ISBN : 978-2-87413-264-3
Les plus impitoyables meurtriers naissent-ils avec un goût prononcé pour le sordide inscrit dans leurs gènes, ou est-ce leur vécu qui les amène à commettre le pire ?
Dans son premier roman, intitulé C’est un secret entre nous, Martine Roland nous fait vivre l’insupportable en nous plongeant dans l’esprit sombre et torturé d’Alban Soquet.
Psychopathe pervers, Alban est le fruit d’un viol. Très jeune, il devient victime puis complice de celle qui répond par un comportement perverti à la nuit cauchemardesque qu’elle a subie à l’âge de 16 ans. Investi dans une relation incestueuse minutieusement entretenue, Alban est prisonnier d’un amour envahissant et castrateur pour celle qu’il nomme sa « génitrice ». Se sentant invisible à ses yeux, eu égard aux nombreux autres hommes qu’elle fréquente, il transforme, par jalousie, son amour en haine.
Pour se libérer de l’envoutement destructeur qu’il ressent pour sa mère, Alban décide de s’éloigner. Mais ses démons intérieurs le rattrapent rapidement. Abandonné à ses pulsions refoulées depuis la plus tendre enfance, il finit par enchaîner les actes criminels ignobles et réfléchis qu’il commet avec l’aide de Momo, son ami pour le pire, son exécutant qui le rend moins insignifiant.
Témoins passifs de scènes aux descriptions insoutenables, ce récit au suspense suffocant, proche du thriller, nous noie dans la noirceur d’une âme marquée par d’importants points de ruptures.
Dans les tourments sombres de cette vie déchirée, l’auteure qui se veut positive, nous offre toutefois quelques lueurs d’espoir où l’on peut reprendre notre souffle. Tout est surmontable, même les côtés les plus sombres de la vie.
Avec une écriture précise et maîtrisée, Martine Roland nous place aux premières loges des dérives psychologiques et affectives que peut engendrer ce qui est un tabou. Plus qu’un roman noir, C’est un secret entre nous est une illustration moderne très réussie du complexe d’Œdipe.
Un récit de l’indicible qui nous demande d’accepter des confidences inavouables et de pardonner l’impardonnable.
« Mes actes je les ai subis et non commis, s’il m’est permis d’évoquer ceux de mes père et mère… J’ai subi des épreuves qui ne s’oublient pas » (Œdipe à Colonne, Sophocle).
Mélissa Rigot