Cœurs enragés revendiquent le droit d’être différents

Cindy VAN WILDER, La lune est à nous, Scrineo, 2017, 394 p., 17,90€/ ePub : 11.99 €, ISBN : 978-2-36740-477-6

WILDER_LuneAnous_EXE.inddLa lune est à nous est un roman polyphonique où nous découvrons les voix d’Olive et Maximilien (surnommé « Bouboule »). D’un côté, Olive vit chez son oncle et sa tante, depuis la disparition de ses parents congolais lors d’un voyage dans leur pays natal. Ses trois grands frères ayant déjà quitté le nid, Olive se retrouve seule avec ses tuteurs qui n’ont pas de fibre parentale. La cohabitation n’est pas toujours facile, Olive a trouvé refuge au Dépôt, un centre culturel où elle a élu sa famille de cœur dans la joyeuse bande de bénévoles.

De l’autre côté, Bouboule est récemment arrivé en Belgique suite à la séparation de ses parents. Son père étant un photographe en perpétuel voyage, il a suivi sa mère dans son pays natal avec son petit frère Elliot. Depuis le déménagement, Bouboule ne s’occupe plus que des tâches alimentaires et ménagères ; la communication avec sa mère est glaciale et se fait essentiellement par SMS. Heureusement, il a un chouette pouvoir d’autodérision et une belle complicité l’unit à son frère, dont il s’occupe.

Olive et Bouboule ont un point commun : ils sont gros. Leur différence ? Olive est bien dans sa peau, elle a appris à apprivoiser ses formes. En témoigne son compte Instagram où elle poste des photos d’elle authentiques, sans retouche ou filtre. Bouboule, lui, hait son corps. Il est en rage contre lui-même et les autres, il ne supporte plus sa différence. Il a honte de son homosexualité, dont il n’ose parler à personne.

Ces deux-là se rencontrent dans un contexte naissant de harcèlement dont Olive est victime. Touché en plein cœur par la cruauté des réactions face à la peau noire et aux rondeurs d’Olive, il prend sa défense en public alors qu’il ne la connaît même pas. Une connexion s’établit instantanément entre eux.

Et à ce moment, il se passe un truc dingue, quelque chose que je n’ai rencontré que dans les bouquins ou les films, quand deux personnages se fixent dans le blanc des yeux sans arriver à se lâcher.
Cette sensation de chute libre.
Le cœur qui bat triple mesure.
Et surtout, cette certitude qui s’affiche en lettres rayonnantes dans mon esprit.
Je te connais.
C’est complètement fou de le dire à cette étrangère, qui me dévisage toujours d’un air perdu, mais c’est vrai.
Là, en cet instant, il n’y a personne d’autre sur cette terre que je comprends mieux qu’elle. Et dans ses yeux, je lis le même message.
Nous nous connaissons. 

Génération web 2.0 oblige, le harcèlement qui touche Olive bascule vite en cyber-harcèlement. Une simple photo fait l’objet de toute la cruauté dont l’être humain peut être capable. Olive perd vite pied, c’est la descente aux enfers. Heureusement, elle a des amis et des ressources insoupçonnées…

La lune est à nous est un beau roman d’amitié qui nous fait connaître une nouvelle déclinaison du harcèlement entre jeunes à travers des personnages attachants bien caractérisés. Le récit est ponctué de nombreux dialogues typiques des ados ; le style de l’auteure est ciselé, souvent composé de phrases télégraphiques qui rendent le rythme haletant. Le roman se lit vite, tellement on veut connaître la fin, tremblant pour les personnages. Vont-ils sortir de leur spirale infernale ? Vont-ils décrocher la lune ?

Séverine Radoux