Myriam LEROY, Ariane, Don Quichotte, 2018, 208 p., 16 € / ePub : 11.99 €, ISBN : 978-235949-675-8
L’adolescence est un labyrinthe. On y entre au sortir de l’enfance et on en cherche l’itinéraire et la sortie pour entrer dans l’âge adulte. À la suite de deux amies qui sont au cœur de son premier roman, Ariane, Myriam Leroy nous déroule quelques fils pour traverser cette période qualifiée d’ingrate.
La narratrice est née au cœur du Brabant wallon, déjà tout un programme à ses yeux, dans une famille catholique, conventionnelle, ennuyeuse à mourir (et notre héroïne a de fréquentes velléités de suicide), qui mène une vie de privations, mais qui se gargarise d’appartenir à la bourgeoisie nantie. À tel point que leur fille s’est mise à haïr les riches du BW, « Haïr les riches, qu’ils soient ou non gentils, haïr davantage les gentils, les riches philanthropes, ceux qui donnent aux pauvres, qui leur ouvrent leurs bras et leur porte ». Ce foyer passablement névrosé s’est établi à Nivelles, « une machine à crever d’ennui ». Et pourtant, ceux qui y naissent y reviennent toujours. Mais l’appartenance sociale vous colle à la peau, ce que la narratrice constate des années après sa jeunesse : « non seulement tu ne seras jamais aussi riche qu’eux, mais surtout tu ne seras jamais comme eux (…) Tu appartiendras toujours à une autre race, gauche, empruntée, constamment à la lisière du burlesque. »
Ce constat sans appel résulte de sa fréquentation d’une école d’élite, « une école de blonds », comme en compte à foison la région, mais également de celle qui est devenue ce qu’elle croit être sa meilleure amie : Ariane. Une beauté exotique sublime, adoptée dès son plus jeune âge par une famille richissime et libertaire, conviée aux rallyes aristocratiques au grand dam de la narratrice tenue à l’écart. Malgré tout ce qui les sépare, va naître entre elles une amitié exclusive, sauvage, scellée par une mutilation au visage comme le feraient deux sœurs de sang. L’assemblage de contraires ne se réalise que rarement sans heurts et l’amour va vite céder la place à la haine. Il suffira d’un épisode anodin assimilé à une trahison pour que se déroule une descente aux enfers semée d’humiliations, d’illusions, de rejets, de perfidies perverses, d’accusations diverses, de fausses supplications, de réconciliations feintes, de vengeances, de jalousies, etc. Toute la panoplie des cruautés auxquelles peuvent s’adonner les adolescents. Et ce qui était annoncé dès les premières pages finit par se réaliser.
Par le format du livre, les phrases courtes et les thèmes, la cruauté des adolescents, les rapports de force et de pouvoir, les jeux de manipulations, ce premier roman de Myriam Leroy peut faire penser à ceux d’Amélie Nothomb, en particulier son Antéchrista. Auteur de la pièce de théâtre Cherche l’amour, qui lui a valu le prix de la meilleure autrice aux Prix de la critique, Myriam Leroy s’exprime dans une langue plus proche de l’oral que de l’écrit, comme pour mieux coller aux deux personnages. Les dialogues sont nombreux, utilisent un langage de jeunes, au gré d’échanges téléphoniques sans fin comme peuvent en avoir des copines d’aujourd’hui. Chroniqueuse en radio, en télé et dans la presse écrite, Myriam Leroy a aussi le sens de la formule et de la punch line mâtinée parfois d’expressions brutes, voire crues : « On me demandait si je suçais, on me proposait de m’enculer. J’en tirais une certaine fierté. J’avais treize ans. »
Michel Torrekens