Un coup de cœur du Carnet
Stefan LIBERSKI, La cité des femmes, Albin Michel, 2018, 280 p., 19 € / ePub : 12.99 €, ISBN : 978-2-226-40218-9
Sept ans après son dernier roman, Le Triomphe de Namur (La Muette, 2011), l’écrivain, cinéaste, bédéiste et homme de télévision Stefan Liberski publie La cité des femmes aux éditions Albin Michel.
La cité des femmes, c’est un film de Federico Fellini sorti en 1980. Mais c’est donc aussi, désormais, le titre d’un roman de Stefan Liberski : l’histoire d’un jeune aspirant écrivain, Étienne Kapuscinski, qui quitte Bruxelles, son mariage et son métier pour gagner Rome et assister au tournage de La cité des femmes de Fellini. Toute ressemblance avec Stefan Liberski, parti lui-même à Rome pour assister au même tournage fellinien en « témoin privilégié » n’aurait, bien sûr, rien de fortuit. L’anecdote autobiographique donne une saveur testimoniale jouissive aux apparitions du maestro, campé en génie sur le déclin, manipulateur, égocentrique et jaloux de son harem.
Le tournage du film est prétexte à quelques réflexions, distillées sans insistance, sur le cinéma et sur ses rapports avec la littérature. Le livre s’inscrit ainsi dans l’un des questionnements de prédilection du romancier, scénariste, adaptateur et réalisateur qu’est Liberski. Le cinéma n’est pourtant pas, loin s’en faut, l’essentiel du livre. Le titre le dit d’emblée : c’est une ville qui en est le personnage principal. Celle dont il est question ici a tout du lieu commun littéraire : Rome, ville éternelle et toile de fond de tant de romans (pour le meilleur et pour le pire). Une ville dans laquelle déambule Étienne, de Cinecittà au Trastevere, du Pincio au Vatican. Sous son regard (et sous la plume du romancier), les pierres, les façades, les rues, les cafés, les pâtisseries, les petits commerces, inondés de soleil ou noyés sous la pluie, s’animent soudain. Loin du décor romanesque académique, Liberski excelle à faire vibrer Rome, à lui donner chair, entre fureur de vivre et dolce vita.
Dans ses déambulations, Étienne lie connaissance avec une galerie de personnages qui gravitent peu ou prou dans l’orbite de Fellini. Autant d’opportunités pour l’auteur de G.S., écrivain tout simplement de tremper à nouveau sa plume dans l’acide pour croquer les ambitieux, les pédants, les ratés, tous attirés par l’aura du maître.
L’ironie ne mord toutefois que les personnages masculins. Elle est mise en sourdine dès qu’il s’agit des (nombreuses) femmes du livre, favorites éphémères et éternelles admiratrices de Fellini, qui sont dépeintes avec tendresse. Avec l’une d’elles, Lucia, Étienne entame une orageuse relation amoureuse, marquée par la jalousie, le mensonge et la passion.
Le roman se fait alors la chronique de cet amour qui patine, de cette liaison qui dure sans jamais progresser, à l’image des promenades romaines du personnage, qui toujours le ramènent au même endroit. Et Liberski le moraliste se mue en subtil psychologue.