Nicolas FLORENCE, À la gorge, Librairie-Galerie Racine, 2018, 290 p., 15 €, ISBN : 978-2-24304-674-
À la gorge. Le titre a de quoi nous saisir. Le livre de Nicolas Florence, tout autant.
Il s’ouvre par une rafale de meurtres sur le campus de l’université de B., présentant de troublants points communs. Les victimes – quatre filles, un garçon – sont de jeunes chercheurs universitaires, attachés à la faculté des Sciences, section Géographie, proches de Greenpeace, certains venus de l’étranger, telle Rachel, de l’université de Tel Aviv, qui s’est vu proposer un poste de doctorante à B., dans le cadre d’une recherche très pointue sur l’écologie en Antarctique. Retrouvés étranglés, en partie dévêtus, dépouillés de papiers d’identité, à la veille de s’engager dans cette recherche scientifique, sous la conduite du professeur Gladys du Pertuis.
Une série noire, qu’ont mission d’élucider les inspecteurs Melvil ‘t Serclaes et Carlo Crupek, sous l’autorité de la juge d’instruction Anne-Mie Cloutancin.
L’enquête commence à peine lorsqu’une sixième victime est découverte morte suivant le même sinistre rituel, une brillante chercheuse portugaise qui devait participer à cette exploration des ressources minérales de l’Antarctique, en péril.
Bien campés, les personnages imposent leur présence.
L’inspecteur Melvil ‘t Serclaes, qui pousse le zèle passionné et méticuleux jusqu’à investiguer dans les moindres détails sur le passé des victimes, s’entêtant à en recouper des convergences.
Son bras droit, Carlo Crupek, sympathique, jovial, surtout « excellent limier, fureteur de première classe, âpre au boulot ». Mais aussi « un doux harpiste du sexe ».
Le professeur Gladys du Pertuis, directrice du Centre de recherches de l’institut de Géographie, « un sphinx de haute réputation », à l’assurance narquoise, qui pourrait se révéler retorse.
La juge d’instruction du Parquet, Anne-Mie Cloutancin, « robustement célibataire », esprit sagace, persévérant.
Le professeur Vadim Crossard-Niquet, sommité infatuée, qu’un destin peu banal a mené de sa ville natale de Nijni-Novgorod à Moscou, puis, franchissant le rideau de fer et changeant de nom, à Paris, et enfin à l’université de B., titulaire de la chaire de Sciences.
Le procureur général Van Zullenen, fulminant d’avoir été rappelé de sa maison de campagne dans le Lubéron, exhortant les enquêteurs (« Soyez des aigles, des serpents, des scorpions, des rottweilers ») et les convoquant dans dix jours « avec le tueur menotté devant moi, à genoux », avant de repartir pour le pays des cigales.
Le président de la Cour suprême, Cyril Strauss-Amor, « une manière de lansquenet faraud », volontiers pontifiant, qui brûle d’entrer à l’Académie.
Sans oublier les enfants de Melvil ‘t Serclaes, Line et Humphrey, promis à jouer un rôle décisif.
L’enquête avance, nous tient en haleine, intrigués, déroutés, à un certain moment la gorge serrée.
Et goûtant l’écriture inventive, souvent cocasse, parfois sarcastique, d’un conteur à l’allégresse communicative : « les heures cascadent », « des cœurs barbelés », « des arguments cuivrés », « s’ivrogner de ses succès », « ses angoisses turbulent »…
Francine Ghysen