Boîtes à foison !

Bruno MANSTER, Mille et une boîtes, Cerisier, 2018, 160 p., 12 €, ISBN : 9782872672127

Avez-vous déjà pensé que votre vie se déroule entre d’innombrables boîtes ? Et que, presque à votre insu, elles vous sont chères, et même indispensables ?

Bruno Manster compte bien vous en persuader, preuves à l’appui, dans un livre insolite, Mille et une boîtes. Un essai néo-pataphysique, qui ne craint pas de fonder l’anthrotopologie, vouée à l’étude des solutions spatiales que les humains ont imaginées, conçues, pour « faire face à leur problématique existentielle ».

Il commence sa démonstration par les « boîtes à demeurer », que les humains choisissent en certains lieux d’aligner, attachées les unes aux autres, en rangées parallèles, qui en croisent d’autres.

Ils ont entrepris aussi d’en empiler verticalement, jusqu’à des hauteurs vertigineuses, excédant leurs forces. D’où la création de « boîtes à câbles » montées sur poulies, nommées ascenseurs bien qu’ils servent à descendre autant qu’à monter. (!)

Les voyageurs trouvent à se reposer dans les « boîtes à sommeil », à ne pas confondre avec les boîtes de nuit, qui proposent bien des plaisirs, mais pas celui de dormir en toute quiétude.

Il y a les « boîtes à barreaux », où l’on entre rarement de son plein gré, redoutant d’être enfermé entre quatre murs. Or l’art de vivre en boîte consiste « à disposer toujours de l’accès à de multiples boîtes ».

Omniprésentes à des heures convenues, les « boîtes à roulettes » offrent d’étonnants spectacles : « Il faut avoir vu, au petit matin, ces millions d’humains qui se ruent dans leurs boîtes à roulettes respectives, pour, ceux du nord, rouler vers le sud, ceux du sud, démarrer vers le nord, ceux de l’est vers l’ouest et ceux de l’ouest vers l’est. » À l’aube des saisons chaudes, ces mêmes boîtes à roulettes n’hésitent pas à rallier par milliers, à pas d’homme, les villégiatures estivales.

Tout aussi envahissantes, les « boîtes à images », rustiques ou plus souvent électroniques, qui permettent aux humains d’échapper à leur ennemi juré, l’ennui dévastateur.

Et tant d’autres…

L’auteur nous fait explorer l’anthrotopologie, « une science pleine de surprises ». Et parfois, la tête nous tourne. Entre Topologie binaire, Morphotopologie, Anthrotopologie de l’éducation, Tractatus topologico-mathematicus…

Heureusement, l’humour se glisse au coin des chapitres savants. Ainsi Topologique matrimoniale :

Les humains ont l’habitude de se marier entre eux, pour un tas de raisons plus ou moins avouables. Se marier, c’est opérer la fusion de deux boîtes personnelles, électroménager compris, ou bien se limiter à une jonction partielle – ça dépend du contrat de mariage. De toute façon, tant qu’on ne divorce pas, on peut faire semblant que tout est partagé. Ma boîte est ta boîte, et inversement. Surtout inversement.

Francine Ghysen