Déjouer le pacte du Diable

Jean-Pierre BOURS, Tentations, HC Éditions, 2018, 320 p., 19 € / ePub : 12.99 €, ISBN : 97823557203167

Après Indulgences en 2014, Jean-Pierre Bours replonge dans les temps foisonnants et clairs-obscurs de la Renaissance européenne, débutant son préambule à la charnière entre le XVe siècle et le XVIe siècle et l’achevant aux alentours de 1543. Il se glisse cette fois non plus directement dans les pas de Margarete (dite Gretchen, une des figures majeures de son précédent roman, centré sur les femmes), mais dans ceux de son amant,  l’énigmatique Docteur Faust, être fictif mais néanmoins mythique qu’il emprunte à Marlowe et Goethe, et qui fut également, à leur suite, célébré par de nombreux compositeurs (Berlioz, Schuman, Wagner et Lizst notamment) mais aussi de peintres (parmi lesquels Delacroix et Rembrandt). C’est d’ailleurs en connaisseur précis de tous ceux qui l’ont précédé dans la fascination pour ce personnage trouble que nous parle l’auteur, mais aussi en arpenteur de nombreuses lectures historiques contextuelles qu’un tel roman nécessitait. Les notes de bas de pages nous éclairent à bon escient sur la véracité de certains faits et la postface ajoute quelques solides références bibliographiques, pour qui souhaiterait en apprendre davantage et prolonger le plaisir de lecture aux côtés de tel ou tel personnage (réel, cette fois) abordés dans Tentations.

Si le roman s’attache au destin d’un homme de sciences aux prises avec son temps (Faust est très suspicieux quant à l’alchimie qui a le vent en poupe à cette époque, et doté d’un rapport questionnant à la domination religieuse) mais aussi espionné par un acolyte de Satan (l’opiniâtre Méphistophélès), c’est aussi l’histoire d’une période qui a entre autres vu passer Lucas Cranach L’Ancien, Martin Luther, Jules II et Clément VII, la très controversée et souvent jugée sulfureuse Lucrèce Borgia ou quelques grandes figures scientifiques à commencer par André Vésale ou Ambroise Paré.

Tous croiseront pour un mal ou pour un bien ce fameux Docteur Faust, qui, peu soucieux des usages ou du regard de ses contemporains, navigue volontiers des cours huppées où on le mande parfois par caprice aux masures où de pauvres hères ont réellement besoin de lui. En semi-secret, il n’hésite pas à chercher à faire progresser la connaissance en expérimentant sur des cadavres que lui fournit sous le manteau l’étrange contact de Lucas Cranach. Reste au-dessus de lui et de la seconde femme qu’il aime comme une menace impalpable : celle d’un jour où il pourrait en venir à désespérer de l’humanité, et voir alors son âme définitivement devenir le bien des forces démoniaques.

Tentations se déguste – indépendamment ou à la suite d’Indulgences – comme un feuilleton érudit et humaniste, à la langue ourlée et aux décors soignés. On y frémit, on y dresse le panorama dense de l’Histoire d’une ère fascinante mais trouble, on y rit parfois à crocs sournois aux côtés de ce diablotin de Méphistophélès.