Les masques tombent

Lorenzo CECCHIPaul, je m’appelle Paul, Lilys, 2018, 195 p., 18 €, ISBN : 978-2-9308-4857-0 

Lorenzo Cecchi, dans son dernier roman, Paul, je m’appelle Paul, traite des questions les plus intimes qui soient : la fratrie, l’identité perdue et retrouvée, les secrets de famille, la fiction qui occupe toute vie et la transforme au fil du récit que nous en faisons…

Dans ce livre sous forme d’enquête, l’auteur est marqué, comme dans tous ses livres, par le besoin de rencontrer des hommes là où ils sont les plus vrais, dans de fines constellations de situations troubles et lumineuses à la fois.

Paul, je m’appelle Paul raconte le récit d’un homme qui en rencontre un autre et cette rencontre improbable va donner lieu à une quête et une enquête qui a la vérité pour objet.

Jean-Luc Jeandrain est journaliste, critique d’art.  Il est contacté par un certain André Aubert qui lui propose un rendez-vous.  Il n’en a plus pour longtemps, six mois tout au plus, il est peintre et aimerait que Jean-Luc voit son travail.  Qu’il écrive un article ou pas, ce sera rémunéré 6000 €. 

Et cet homme déclare, tout à trac : « Je suis ton frère ».

Ce rendez-vous, cette rencontre assez rare dans la littérature, projette alors de lecteur dans un vertigineux aller-retour entre les secrets et leur dévoilement.

Cet André, qui révèle se nommer…VDB,  est  un homme audacieux, entreprenant, cynique et défaillant  On pense bien sûr à l’homme politique qui connut la gloire et la chute, qui pratiqua avec un art de foire la dispersion du vrai et du faux dans sa biographie exceptionnelle.

On assiste, dans le roman de Lorenzo Cecchi, à la chute d’un homme, une chute consciente, une chute presque désirée.

L’écriture de Cecchi est toujours soudée à de multiples situations, quelquefois rocambolesques, et souvent inscrites dans la vie terrestre des hommes simples, ceux qui tournent leurs regards vers le ciel pour y puiser l’énergie nécessaire aux travaux du jour et de la nuit.

La sensualité, la précision, la matérialité de l’écriture de Lorenzo Cecchi invitent le lecteur au pur plaisir du dédoublement et du flottement des certitudes trop souvent déclarées en ce temps.

Écrire, c’est renoncer, renoncer à la perfection, renoncer à l’absolu, renoncer au global et au général. La vie se charge d’emplir suffisamment d’ambiguïtés, de paradoxes, de solitude et de compassion pour nourrir un écrivain de la nature de Cecchi qui sait saisir ces vies incertaines.

Paul, je m’appelle Paul est un livre émouvant, juste parce que toujours dans le « pas de côté » de la vie.

C’est drôle, léger et soudain piquant de vérité. C’est ça l’art de Cecchi. Un art travaillé de livre en livre qui méritent chacun la plus grande attention des lecteurs.

Le peuple est présent, ce sacré peuple qui semble tellement difficile à cerner et à représenter aujourd’hui. Mais qui se manifeste toujours dans les crêtes et les gouffres, là où l’Histoire ne l’attend pas.

Cecchi connaît cette humanité, il la raconte depuis plus de dix ans, et ses livres sont autant de documents sur le temps qui est en nous, que des histoires que nous désirons rejoindre dans notre infini besoin de consolation.

Daniel Simon