Du jardin en fleurs au pays d’absence

Carmelo VIRONE, Danser dessous, Tétras Lyre, 2018, 58 p., 14 €, ISBN : 978-2-930685-35-9

Sous le titre inattendu Danser dessous, Carmelo Virone égrène au fil de ses sentiments, ses humeurs, ses souvenirs, des poèmes aux couleurs changeantes.

Ici, l’aveu d’un profond désarroi en appelle aux disparus : « morts que j’ai tant aimés / morts donnez-moi la main / car me voici perdu / au milieu de mon âge ».

Là, un survol souriant se teinte d’ironie : « J’ai travaillé pour la culture / l’avenir de la littérature / j’ai mérité ma confiture / et le pain blanc pour l’étaler / mais je préfère le pain gris ».

En ce jour de printemps précoce où les fleurs s’épanouissent au jardin, sous le ciel bleu comme ses yeux, « Ma belle n’est pas au bout du fil […] on dit joyau on dit joyelle / c’est comme ça que je l’appelle / au téléphone et dans mon cœur // Je ne veux pas de fil pour elle / juste un envol et juste un chant. ».

Voici Liliane à sa fenêtre, qui contemple passionnément la mer, se sent de plus en plus proche de son immensité jusqu’à se fondre en elle : « la mer en moi me comble / m’englobe et me dissout. »

Et Gaby devient aussi notre ami, avec son doux sourire retenu, « qui rayonne vers le dedans », conversant éperdument dans un café de la rue Daguerre, une nuit mémorable, d’art, de travail, de politique, jugeant, tranchant, riant. Gaby près de qui on se sent confiant, heureux qu’il vous ouvre son histoire, vous y donne l’hospitalité.

Mon poème préféré, Dehors, se glisse dans les pas d’un errant de dix-sept ans (« Chez moi, c’était hier / à présent sur la route / je cherche sans répit / un possible demain. »), qui se heurte aux frontières hostiles : « Papiers verrous murailles / ils ne sont que refus. ».

Mais, à dix-sept ans, malgré les blessures, la poignante incertitude (« Moitié ici moitié / dans mon pays d’absence »), l’horizon n’est pas fermé. La partie  n’est pas perdue. La révolte brûle, l’emporte sur le désespoir. « Sur la roue de ma chance / j’affûte ma colère // Et qui vivra verra. ».

Francine Ghysen