Béatrice LIBERT, Le chevalier des sept couleurs, illustrations de Mathieu Schmitt, Vagamundo Jeunesse, 2018, 112 p., 17€, ISBN : 979-10-92521-30-6
Vêtu d’un pyjama bariolé offert par sa marraine, le nez dans un livre dont l’a doté son parrain, Noël s’assoupit et dégringole dans un étrange rêve, blanc comme neige. Blanc comme à la montagne. Contrairement au Paradis Blanc à l’abri de la violence cher à Michel Berger, le Pays Blanc où atterrit notre héros est un endroit à l’aura plutôt lugubre où non seulement on regarde l’altérité – ici toute trace de couleur – avec méfiance et hostilité, et où chaque tentative de penser autrement est cadenassée par l’adage « Tout est blanc, tout est pur, c’est la loi ». Pire encore, on punit ceux qui oseraient hausser le ton. Mais Noël est pugnace, et malgré ceux qui cherchent à le décourager d’explorer plus avant cet endroit pour retrouver le kaki, le mauve, le turquoise et toutes les autres nuances, il garde en tête une petite phrase maternelle : « Il ne faut jamais baisser les bras ni se laisser impressionner par les grincheux ».
Sur son chemin, il fait la connaissance d’une souris qui se plaint d’avoir, en même temps que les couleurs, perdu tout plaisir, tout goût, toute sensation. Convaincue de la bravoure de Noël, elle l’adoube «Chevalier des sept couleurs » et le missionne pour régler la situation. Mais les dangers rôdent déjà autour du courageux petit garçon : un Brouillard et une Voix n’entendent pas le laisser poursuivre son chemin s’il est vêtu de façon aussi éclatante et le passent aux rayons blanchissants. Quant au Pierrot, au bonhomme de neige ou aux colombes, enveloppés dans leur tristesse, ils ne sont pas d’une très grande aide. Le pauvre Léon accueille notre héros avec bienveillance et meringues, mais le musicien n’a plus le goût de composer : toutes les notes noires ont disparu de son piano. L’heure est décidément grave ! Comment Noël va-t-il retrouver à rassembler toutes les couleurs ?
Dans ce joli conte aux chapitres courts (pratiques pour faire de la lecture accompagnée chaque soir ou se risquer tout seul, pas à pas, avec Noël), Béatrice Libert reprend un thème proche de celui du Magicien des couleurs d’Arnold Lobel et y injecte sa propre fantaisie et des thèmes qui lui sont chers : l’importance de la poésie pour traverser l’adversité (Arthur Rimbaud et ses Illuminations se sont glissés entre les pages) et la façon dont le courage nous aide à grandir. Les illustrations fines et les lettrines chamarrées de Matthieu Schmitt rendent l’ensemble plus joyeux.
Anne-Lise Remacle