Laurent HERROU, Vie et mort du Duquesnoy, Autofiction, P.A.T., 2019, 11 €, ISBN : 978-2-930959-08-5
Bruxelles est la ville où Laurent Herrou, né à Quimper, ayant vécu à Nice, Paris, Villequiers (Cher) s’est installé au début de l’année 2017 et où il séjournait déjà sporadiquement depuis plusieurs années, notamment à l’occasion de résidences d’auteur (Passa Porta). C’est aussi la ville où, depuis 2009, il visitait l’antre du Duquesnoy, ce haut lieu du sexe gay aujourd’hui clos. Là, il jouissait du désir des hommes, du sien aussi. Là, il apprenait à mieux se connaître, à affirmer (consolider ?) son identité que l’on a connue plus hésitante dans Laura, sa première autofiction (« J’ai pensé : je suis poilu. Je suis un homme »), à exalter son narcissisme (« J’ai pensé que j’étais beau, à poil, mes cheveux longs qui tranchaient avec le look des autres »).
Cet approfondissement de l’introspection par le sexe non romantique est la piste que laisse supposer la citation de Françoise Sagan mise en exergue du livre : « Car on ne m’ôtera jamais de l’idée que c’est uniquement en se colletant avec les extrêmes de soi-même, avec ses contradictions, ses goûts, ses dégoûts et ses fureurs que l’on peut comprendre un tout petit peu, oh je dis bien, un tout petit peu, ce que c’est que la vie. » Cette phrase, toute pertinente qu’elle soit, ne recouvre cependant qu’en partie la vérité du livre car elle omet l’importance de l’écriture, semence et ferment de la prise de conscience de l’homme/écrivain qu’est Laurent Herrou.
Sans la médiation de celle-ci, il ne pourrait s’explorer, se préciser ainsi qu’il le fait. Par son entremise, il interroge ce qui s’est joué dans le rapprochement des corps au Duquesnoy, le suivi émotionnel de l’événement, le rapport à l’autre qui s’est mis en branle. Il l’écrit, le réécrit même. Saisit sa pensée en cours, la reprend, l’affine, la corrige. Expose au lecteur la mécanique, les mécanismes souvent retors de la psyché et du corps humains.
Depuis qu’il a commencé à écrire, Laurent Herrou n’a cessé d’être le sujet/objet de lui-même, de son œuvre. « En règle générale, tout ce que j’écris à une origine autobiographique », confiait-il dans un entretien au site autofiction.org, et cela jusque dans ses romans, ses nouvelles. Le cœur battant de son œuvre (de sa vie ?) est son journal dont il a publié trois tomes aux éditions Jacques Flament. C’est de lui qu’il se sert pour créer des autofictions comme Vie et mort du Duquesnoy où, en plus de se donner aux autres, à écrire, à lire, il offre au bar bruxellois disparu un ultime hommage, précisément au moment où les backrooms reviennent en grâce auprès des jeunes générations.
Michel Zumkir