Les océans, vingt mille lieues sous la mer

David VANDERMEULEN, Daniel CASANAVE, Hubert REEVES, Hubert Reeves nous explique. Tome 3 : les océans, Lombard, 2019, 65 p., 13,45 € / ePub : 8.99 €, ISBN : 9782803673100

Après Hubert Reeves nous explique la biodiversité, Hubert Reeves nous explique les forêts, David Vandermeulen, Hubert Reeves (scénario) et Daniel Casanave (dessins) livrent un roman graphique sur les océans. Sous la forme d’une fiction gravitant autour du personnage de l’astrophysicien Hubert Reeves, lequel explique à une femme et deux enfants la vie des océans, des courants marins, l’album délivre une pédagogie dynamique qui privilégie le questionnement. La démarche exploratoire du récit suit la veine exploratrice des sciences. Au plus loin d’un exposé ex cathedra, l’ouvrage développe une approche heuristique au fil de laquelle les découvertes sont insérées dans une narration. Pourquoi les océans sont-ils salés ? Comment s’est formée la grande dorsale médio-atlantique, une chaîne de volcans sous-marins ? Le pari de vulgariser tout en gardant l’aiguillon de la problématisation, de l’exigence, de la passion pour la découverte est relevé avec brio.

Nous est rappelé que sans eau, il n’y aurait pas de vie sur terre, que les premiers éléments vivants apparus il y a trois milliards et demi d’années sont nés de l’eau. On apprend les raisons pour lesquelles les océans jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat. Hubert Reeves expose la gravité du dérèglement du Gulf stream, courant marin essentiel pour les animaux migrateurs et pour la stabilité du climat. Si nos régions, la Belgique, la France, bénéficient d’un climat tempéré, c’est grâce au Gulf stream et aux vents chauds des tropiques. Aux côtés de nombreux scientifiques, l’astrophysicien dit toute son inquiétude face au ralentissement du Gulf stream : si ce dernier continue à ralentir, voire s’arrête, le climat européen perdra sa régularité, des hivers glaciaux s’abattront sur la France, les poissons migrateurs seront mis en péril.

Au fil d’un scénario efficace, d’un dessin poétique, des récits emboîtés voient le jour, ceux de la tectonique des plaques, des relations entre la lune, la gravitation des planètes et les marées, de la géologie sous-marine. Des contre-vérités, des raisonnements tronqués répandus par les médias sont dissipés : le niveau de la mer monte en raison du réchauffement climatique, non parce que les banquises fondent mais parce que, se réchauffant, l’eau se dilate, prend davantage de place. La fonte des glaciers, quant à elle, est dramatique pour la survie des ours polaires, pour la biodiversité, l’écologie ; en fondant, les glaciers rejettent dans les océans une eau douce qui, rendant moins salée l’eau des régions polaires, va bouleverser la circulation océanique dit profonde (le Gulf stream appartenant à la classe des courants marins superficiels).

Jules Verne croise le peintre Munch. Son tableau Le Cri aurait pu être inspiré par l’éruption du volcan Krakatoa qui, des années, dérégla la météo mondiale. Décrivant la catastrophe écologique qui frappe les océans, les gyres, ces tourbillons d’eau qui piègent des millions de détritus plastiques, dénonçant le continent de déchets qui, dans l’océan Pacifique, s’étale sur une surface représentant six fois celle de la France, l’album rappelle l’essentiel : qu’il n’est pas trop tard pour préserver la planète, que soutenir le contraire serait criminel. « L’avenir de la terre dépend de la mer », l’avenir du climat est entre autres dicté par la santé des courants marins. Face aux climato-sceptiques, à la surdité des gouvernants, la voix des sentinelles de l’écologie, de scientifiques comme Hubert Reeves s’avance comme une arme majeure afin d’éviter un collapsus environnemental et de préserver la biodiversité sur terre.

Véronique Bergen