Véronica LENNE, À l’ombre du ventre, Tétras Lyre, 2020, 66 p., 14 €, ISBN : 978-2-930685-51-9
En plaçant en exergue Boris Cyrulnik qui nous affirme “la famille, ce havre de sécurité, et en même temps le lieu de la violence extrême”, Véronica Lenne, psychopraticienne et poétesse bruxelloise nous prévient : À l’ombre du ventre nous emmène, avant de nous plonger dans le vif du propos, au sein d’une figure maternelle dure, voire violente.
Et nous ne serons pas déçus à l’issue de ce court recueil, efficace et souvent féroce. La plume de Véronica Lenne peut sembler simple de prime abord. Peut-être même anodine. Mais les mots claquent. Choisis avec soin, ils s’emboîtent au fil des pages, au fil des âges de la vie, des âges de l’enfant que nous demeurons, chacune et chacun, pour nos parents, pour notre mère, figure incontournable sans laquelle nous n’existons pas.
– Maman, j’ai fait un rêve. J’ai rêvé que j’étais très méchant.
Et la mère de sourire :
– Ce n’est pas un rêve, mon enfant. C’est la réalité.
Telle une scène d’un acte d’une pièce cinglante, le prologue nous laisse entrevoir la couleur du recueil. Il est sombre. Et les brefs poèmes s’enchaînent. Des airs d’haïkus, certes, un confinement imposant la violence, et des jeux avec les mots et leur homonymie, qui nous touchent et font mouche : des goûts ou dégoût, bleu outre-mer ou bleu outre-mère, vis rage ou virage… L’essentiel est dit, souvent sans ponctuation, dans des textes agencés en rythme sur la page, s’achevant pour la plupart par une touche d’italique, telle une trêve cinglante. “Adieu mère tombale”.
Deux interlogues, dialogues mère-enfant, s’insèrent. Ils semblent rappeler les évènements marquants. Ceux que nous avons tous vécus. Et l’épilogue nous laisse sans issue, en nous proposant un “Gâteau d’amour pour fille chérie haïe”.
“À tous ces cris de haine, qui sont nos premiers mots d’amour” dédicace la poétesse. On ne peut haïr sans aimer : en partant de ce postulat, Véronica Lenne fait œuvre de résilience. Ses mots séduisent l’amateur, l’amatrice de composition dense et forte de blessures domptées, acceptées, pour enfin grandir et avancer.
afin qu’entre l’horreur de naître
et la merveille d’être né
l’amour puisse faire son travail
d’orpailleur
Natacha Wallez