Rêvez Mapuetos !

Patrick LOWIE, Next (F9), 66 autres portraits oniriques, Les Chroniques de Mapuetos n°6, P.A.T., 2020,174 p., 18 €, ISBN : 978-2-930959-09-2

lowie next f9 66 autres portraits oniriques pATPour l’écrivain et éditeur Patrick Lowie, quelque chose a basculé dans la nuit du 10 au 11 septembre 2012. Cette nuit-là, il rêva pour la première fois de Mapuetos. Depuis, la ville qui existe de ne pas exister a envahi la carte de ses pensées, l’atlas de ses rêves et la géographie de son œuvre. Elle y a créé un relief dont les repères ne cessent de s’effacer, de disparaître, de se recomposer. Elle métamorphose en fiction onirique tout ce qu’elle (ne) rencontre (pas). Qu’il s’agisse des textes que Patrick Lowie crée à partir des écrits abondants – plus de six mille pages – et polymorphes de Marceau Ivréa, cet écrivain (qui serait) mort dans une prison bruxelloise et dont il s’est (se serait) procuré les archives, ou des portraits qu’il a commencé à rédiger en 2016 pour le magazine internet Le Mague et qu’il poursuit aujourd’hui sur le site Next (F9).

En ligne, les portraits escortés d’une photo du sujet, peuvent se lire isolément par genre (homme, femme, autre), par langue (français, anglais, portugais, italien), par pays (Belgique, Brésil, Colombie, France, Corée du Sud, Maroc…) et même selon un Top 30. Ces portraits n’ont rien de commun avec ceux qui se publient généralement dans la presse ni même en littérature : des personnalités connues ou inconnues relatent à l’écrivain un rêve marquant qu’il introduit dans sa prose par bribes substantielles ou, exceptionnellement qu’il reproduit au mot près – une seule fois à ce jour.

Le texte commencé s’en trouve métempsychosé, l’âme capturée remise en liberté, telle qu’en elle-même, telle qu’on ne la voit jamais dans le monde ordinaire. Si les portraits ainsi écrits par Patrick Lowie n’étaient que cela – des révélateurs d’âme – ce serait déjà beaucoup. Mais quand il les réunit en volume, comme il l’a fait en 2017 Next (F9), 111 portraits oniriques, et à nouveau aujourd’hui, avec Next (F9), 66 autres portraits, il y ajoute une esquisse de lui-même en glaneur de rêves. Mais surtout il nous entraîne dans un voyage toujours recommencé, renouvelé vers Mapuetos, « cette immense terre de nulle part », sans jamais la découvrir. Sur ce chemin infini, et plus loin encore, comme la mendiante vagabonde du Vice-Consul de Marguerite Duras, il cherche des indications pour se perdre. Des indications pour que jamais ne s’interrompe le rêve de Mapuetos et au-delà de lui, son écriture.

Michel Zumkir