L’ordinaire effronté

Marcelle PÂQUES, Le cristal des jours, Bleu d’encre, 2020, 52 p., 12 €, ISBN : 978-2-930725-31-4

La maison d’édition Bleu d’encre avec son si joli logo, poursuit sa publication de recueils de poésie. Claire, soignée et aérée, au format 11 x 19 cm sur papier crème, elle offre aujourd’hui son vingt-deuxième numéro à Marcelle Pâques, « femme ordinaire, vie ordinaire en apparence », m’écrit-elle par email. Cependant : La tête à l’envers / Les pieds dans les nuages / La vie dégrafe son corsage.

L’auteure m’expose que Le cristal des jours signifie « ne retenir que le meilleur des jours ». Or ce quartz incolore, remarquable par sa limpidité et sa pureté, s’il évoque la clairvoyance, voire l’avenir (en boule), il figure aussi une très grande fragilité. Autant de qualités composant le précieux prix du bonheur. Et puis il y a aussi le cristal de l’eau, rivière des jours. Suppose / Qu’une rose / Surgisse / Au milieu de nulle part.

Écrire pour l’auteure, c’est « pour ne pas mourir », « comme un pont au-dessus du néant ». Comme l’arbre / Je me débarrasse / D’une tristesse fanée. Écrire, c’est « un chemin à parcourir vers soi (…) Je vais là où les autres ne peuvent me suivre, me dépouillant des vêtements choisis par eux pour moi ». Ceux d’une vie ordinaire ; en apparence.

Elle
Saute à cloche-pied
Sur les idées reçues

Fait des ronds dans l’eau
Des certitudes
Des classements
Des préjugés
Des habitudes

L’effrontée

Ce poème est l’un des deux illustrés par Claude Donnay, l’éditeur. Il y dessine une petite fille jouant à la marelle. Et au bout de l’échelle sur le sol, le mot paradis se noie dans l’encre noire. On pourrait confondre avec le mot parade… d’une vie ordinaire en apparence ? Suffocante / Elle aspire le bonheur / Avec avidité / Mais sa bouche cousue / Par une ancienne souffrance / L’enferme dans le silence / Lâcher-prise.

Comme pour une thérapie du réel commun, « J’avance, j’écris encore et encore, et bientôt l’espace s’agrandit. La lumière jaillit comme une source salvatrice et se répand en moi. Sa fraîcheur me libère. Voilà pourquoi j’écris ! J’écris pour vivre. » Ainsi, Marcelle Pâques observe-t-elle son quotidien dont elle arrache les mauvaises lettres pour n’en dégager que le bouquet final.

Un cri jaillit
Délivre
Transcende
Jouissance improbable
Fulgurante

Effronté climax.

Tito Dupret