Ines LAMALLEM, Santana, Ker, 2020, 92 p., 12 €, ISBN : 978-2-87586-287-7
Santana relate l’histoire d’une relation de soumission entre Emma et Mikaël, deux ados de 17 ans dans la même école. Leur premier contact est surprenant : Emma bouscule par mégarde le jeune homme qui, pour se venger, lui vole son téléphone et décide de le vendre sur Facebook. Interpellant. Le ton est donné.
Dès qu’il la croise dans les couloirs, Mike ne peut s’empêcher de rudoyer Emma qui, pourtant, n’en demande pas autant. Gifles, coups de pied, tirages de cheveux, insultes à l’insu des adultes, tout le répertoire traditionnel du harcèlement y passe . Malgré les humiliations subies, Emma revient toujours vers ce jeune homme qui lui plaît, même si elle ne se sent pas en sécurité avec lui. Pourquoi ? Elle ne le comprend pas elle-même. Ce garçon est « le plus effroyable et le plus beau gars de l’école » ; voilà une piste, mais qui n’explique pas tout.
Un court séjour en IPPJ ne calme pas la hargne de Mike. Constamment à fleur de peau et impulsif, il est chevillé à son fonctionnement défensif. Incapable d’avoir accès aux mots, il fonctionne sur un mode binaire : ou on fait ce qu’il dit, ou on s’en prend une. Un zéro. On off. Sous le joug de sa propre violence, il ne prend pas conscience de l’ambivalence de ses comportements : il donne des miettes de tendresse à Emma quand l’animal en furie qui l’habite est momentanément au repos. De son côté, Emma apprend à esquiver les coups, cherche à comprendre la blessure secrète de Mike, tente de l’aider, même si le prix à payer est très élevé, car il n’est pas si facile que ça de sortir de la relation victime – bourreau.
Avec le recul, je prenais conscience de la nécessité de m’affirmer. Je n’étais pas sa chose, un punching-ball à disposition, qu’il pouvait cogner selon ses envies. J’avais compris qu’il ne ressentait rien pour moi, mais à son contact, j’avais éprouvé des sensations nouvelles. Un lien ténu, fragile qui se tissait entre nous.
Vous vous doutez qu’il se cache quelque chose derrière la violence dérangeante de Mike.
Ines Lamallem a le mérite de s’être lancée dans une histoire audacieuse où elle s’engage à dénoncer les ravages de la violence sournoise du harcèlement à l’école. Dans un roman court avec un style simple, elle s’attache à mettre l’accent sur l’engrenage de la relation sous emprise.
On regrettera toutefois certains stéréotypes concernant les deux héros et une forme de naïveté chez Emma qui croit tout comprendre de son bien-aimé quand elle découvre son passé. L’autre reste un mystère pour nous. Nous sommes aussi parfois (souvent) un mystère pour nous-mêmes. Pas simple. La réalité est plus complexe qu’il n’y paraît.
Gardons aussi en tête que l’autrice a écrit Santana à l’âge de 16 ans, sa plume porte donc l’empreinte de son âge. Le roman a obtenu le Prix Laure Nobels – Brabant Wallon en 2020.
Séverine Radoux