Le tandem de l’amitié

Geneviève DAMAS, Molly, Lansman, 2020, 120 p., 10 €, ISBN : 9782807102934

geneviève Damas, MollyMolly, de son vrai nom Marie-Odile – en hommage à la Tante Odile décédée prématurément dans d’horribles souffrances –, est une jeune fille pleine de vie qui se rend partout à vélo. À Saint-Péravy-la-Colombe, son village natal, elle va faire une petite révolution. Alors que son père, fan inconditionnel du Grand Général de Gaulle, aimerait qu’elle travaille au Carrefour comme lui, Molly a d’autres ambitions.

Elle aimerait rester au lycée et réussir son bac. Sa fidèle amie Martine, Titine pour les intimes, l’aide à étudier et à trouver un petit boulot : barmaid à la buvette du club de sport tenue par Monsieur Péteaux, un ancien coureur cycliste. Rapidement, Molly prend ses marques. Elle aime discuter avec les clients comme Monsieur Jean. Monsieur Péteaux lui propose de remplacer sa femme Hillary dans la course à vélo du tournoi qu’il organise. Entourée du Maire et d’autres coureurs, Molly termine troisième du classement final et première chez les femmes. Tous sont impressionnés par son chronomètre. De fil en aiguille, aidée notamment par Monsieur Péteaux, Monsieur Jean, Hillary et le beau Pierrot, Molly est remarquée par un entraîneur, part s’entraîner à Blois et rejoint l’équipe féminine de France. De nouvelles aventures l’attendent. Mais, alors que tout sourit à Molly, un mal incurable prend possession de son amie Titine. Ses migraines qui l’accablent depuis quelques temps s’avèrent être une tumeur. Dans sa course folle pour la vie, Molly va devoir se battre pour deux. À son tour d’aider Titine à passer le bac. Elle lui raconte les cours de philosophie et de littérature, notamment la rencontre avec Marcel Proust. Molly voit du pays, participe à de nombreuses courses et doit supporter une camarade, Laure, qui n’est pas tendre avec elle. Titine, de son côté, s’affaiblit de plus en plus. Qui gagnera ? Molly ou Laure ? Titine ou le cancer ?

Dans le second récit, on retrouve Molly suspendue de l’équipe nationale car soupçonnée de dopage. Rien ne va plus : elle a perdu sa tendre Titine, se sépare de Pierrot, décide d’arrêter le vélo, retourne chez ses parents et reste sous la couette toute la journée. Dans la famille, l’air est électrique depuis que son frère Richard a engrossé une Algérienne, Yasmine. Les parents ne veulent plus le voir. Après un coup de gueule de son père, Molly se reprend en main et cherche un boulot. Elle devient demoiselle de compagnie chez une vieille noble, Madame de Chavernay. Derrière ses apparences de vieille précieuse et conservatrice, se cache un cœur tendre. De fil en aiguille, une véritable complicité naît entre les deux femmes. Molly se réconciliera-t-elle avec le vélo et avec la vie ? Après tout, s’est-elle vraiment dopée ?

Molly est composé de deux courts textes, Molly à vélo et Molly au château, qui rassemblés forment un petit roman. Tous deux mettent en scène de belles histoires d’amitié, notamment transgénérationnelle. À travers la thématique de l’amitié, on retrouve un grand humanisme, une entraide, un soutien infaillible. Ce n’est pas un vélo qui transporte Molly, mais un tandem, une caravane. On est tellement plus forts à plusieurs. La persévérance, la mort et le deuil sont également omniprésents. L’ambiance de ces récits est pittoresque. S’y dégage l’âme du village. La langue de Geneviève Damas épouse parfaitement l’état d’esprit de cette jeune fille, ses préoccupations et les parlers des gens qui l’entourent. Il y a beaucoup de poésie aussi. Le vélo, c’est comme la vie. À la manière de la madeleine de Proust, Molly s’accroche à sa bicyclette pour se remémorer tous les bons souvenirs.

Ces deux textes ont été précédemment mis en scène par Geneviève Damas et publiés par Émile Lansman, respectivement en 2004 et 2007. Les frontières entre les littératures dramatique et romanesque étant poreuses, les éditions Lansman ont décidé de publier à nouveau ces deux courts récits dans leur collection Poche et de se donner ainsi l’opportunité de toucher de nouveaux publics. Lire du théâtre peut manquer d’attrait pour certains – même si, bien entendu, c’est mal connaître cette littérature riche et mouvante qui ne cesse de nous étonner. Utiliser le format poche et romanesque permet assurément de toucher un plus large public, notamment la jeunesse à qui ce récit s’adresse particulièrement.

Émilie Gäbele