L’Académie française a désigné le successeur de l’écrivain belge François Weyergans au siège 32. Il s’agit de Pascal Ory. Comme il est de coutume, ce dernier prononcera l’éloge de son prédécesseur lors de sa réception sous la Coupole. Depuis le décès de François Weyergans, survenu le 27 mai 2019, l’Académie française ne compte plus aucun membre belge.
L’Académie française
L’Académie française s’est réunie pour la première fois en 1634. Institution suscitée et protégée par le cardinal de Richelieu, elle compte 40 membres à sa création. Le nombre n’a plus évolué depuis lors. Dès 1635, le roi de France lui assigne pour mission la conservation et le perfectionnement de la langue française. Afin de réaliser au mieux la tâche qui lui est assignée, l’Académie projette rapidement d’élaborer un dictionnaire de référence. La première édition de celui-ci parait en 1694. D’autres éditions verront encore le jour en 1718, 1740, 1762, 1798, 1835, 1878, 1932-1935. La neuvième version de l’ouvrage est en cours de publication : son premier tome est paru en… 1992, le deuxième en 2000 et le troisième en 2011.
La lenteur des parutions, les positions très conservatrices adoptées par l’institution, tant en matière linguistique que sociétale – la première académicienne, Marguerite Yourcenar, a fait son entrée sous la Coupole en 1981! – nuisent aujourd’hui considérablement à la crédibilité de l’Académie et de son entreprise lexicographique.
Devenir académicien.ne
Contrairement aux pratiques en vigueur à l’Académie de langue et de littérature françaises de Belgique, l’Académie française procède à l’élection de ses nouveaux membres sur la base de candidatures. Lorsqu’un fauteuil est déclaré vacant, les personnes intéressées peuvent se porter candidates. Les noms des sollicitants sont rendus publics. On sait ainsi qu’ont candidaté au siège de François Weyergans : Michel Carassou, Yves-Denis Delaporte, Marie Géné Rosa Delesse Schwisenberg, Alain Duault, Jean-Yves Gerlat, Jean Hautepierre, Julien Kilanga, Jean-Claude Perrier, Eduardo Pisani, Isaline Remy, Philipe Répécaud, Carolina Steiner et Frédéric Vignale et, donc, Pascal Ory.
Les Académicien.ne.s désignent ensuite le nouveau membre à la majorité absolue des suffrages. Un nombre minimum de votants est nécessaire pour valider le scrutin. Lors de l’élection de Pascal Ory, 23 votants étaient présents. L’impétrant a été désigné au premier tour, réunissant 13 voix sur son nom.
L’élection d’un nouveau académicien doit ensuite être confirmée par le Président de la République, protecteur de l’institution. Une fois cette étape passée, le nouvel académicien doit encore passer par l’installation et la réception. La première est une séance à huis clos, autour de laquelle le nouvel élu prononce son discours, remerciant ceux qui l’accueillent en leur compagnie et faisant l’éloge de son prédécesseur, et entend le discours qui lui est destiné. La réception est une cérémonie publique, pour laquelle le néo-académicien doit avoir fait confectionné son « habit vert » – le costume avec broderie de rigueur à l’Académie française – rehaussé d’un bicorne, d’une cape et d’une épée.
Comme le précise le site de l’institution, « Aucune condition de titres ou de nationalité ne figure dans les statuts« . C’est pourquoi l’Académie compte et a compté en son sein des membres qui ne sont pas écrivains, et des membres qui, comme l’auteur canado-haïtien Dany Laferrière, ne sont pas français.
Quelques auteurs belges (on verra que le mot recouvre des réalités très différentes) ont aussi revêtu l’habit vert.
Félicien Marceau (1913-2012)
Né en 1913 à Cortenberg, Félicien Marceau (nom de plume de Louis Carette) était romancier et auteur de théâtre. Creezy lui a valu le prix Goncourt en 1969.
C’est aussi une personnalité contestée : en 1946, le tribunal le condamne par contumace à 15 ans de travaux forcés pour son activité de journaliste pendant la guerre et à la déchéance de sa nationalité. Il obtient la nationalité française en 1959, avec l’appui du général de Gaulle.
Il a été élu à l’Académie française en 1975, au fauteuil de Marcel Achard.
François Weyergans (1941-2019)
Né à Bruxelles d’une mère française et d’un père belge en 1941, François Weyergans était écrivain, cinéaste et critique de cinéma.
Il est l’un des deux seuls auteurs lauréat du Renaudot (pour La démence du boxeur, 1992) et du Goncourt (pour Trois jours chez ma mère, 2005). Il a également obtenu le Rossel pour Macaire le Copte en 1981.
L’Académie française l’élit en 2009, au fauteuil d’Alain Robbe-Grillet. Fait singulier : élu en 2004, l’auteur des Gommes est mort en 2008 sans avoir siégé sous la Coupole. Lors de son discours de réception, François Weyergans a dès lors rendu hommage non à Robbe-Grillet, mais au prédécesseur de celui-ci, Maurice Rheims, qui n’avait pas été honoré précédemment par l’Académie.
Maxime Weygand (1867-1965)
La vie de Maxime Weygand, né à Bruxelles en 1867, est particulièrement romanesque. Un voile de mystère enveloppe ses origines familiales : on le disait tantôt enfant naturel du roi Léopold II, tantôt de la princesse Charlotte, veuve de l’Empereur Maximilien. Parti pour la France avec son tuteur, il obtiendra la nationalité française et mènera une carrière militaire remarquée dans l’Hexagone, accédant au grade de général.
Les différents livres qu’il a publiés relèvent d’ailleurs tous de l’histoire militaire.
Il est élu à l’Académie en 1931, au fauteuil du maréchal Joffre.
Marguerite Yourcenar (1903-1987)
Marguerite Yourcenar est née à Bruxelles en 1903, de mère belge et de père français. N’ayant jamais porté la nationalité belge (elle a été française puis américaine) et ayant très peu vécu en Belgique, c’est en qualité de « membre étrangère » que l’Académie royale de langue et littérature françaises de Belgique l’accueille en 1970, soit 10 ans avant qu’elle soit élue à l’Académie française, dont elle a été la première femme membre.
Romancière, essayiste, poétesse, plusieurs de ses livres – L’oeuvre au noir et Les mémoires d’Hadrien notamment – sont désormais des classiques.
A l’Académie, elle a succédé à Roger Caillois.