Violaine LISON et Valérie ROUILLIER, Ce soir, on dort dans les arbres, Esperluète, 2021, 48 p., 14 €, ISBN : 978-2-35984-137-4
Des textes et des illustrations à parts égales, il se dissémine d’emblée du délice, facile à reconnaitre et partager. La recette est en effet transparente de simplicité et de vérité : une petite-fille s’adresse à sa grand-mère tout juste centenaire. Complicité, humour, bonne humeur et gâteau d’anniversaire ouvrent les papilles du lecteur.
Moi : Tu as cent ans aujourd’hui, bonne-maman.
Toi : Mais non…
Écrit sans arabesques, a minima comme autant de notes prises entre les mots et aux vents légers des échanges, Violaine Lison offre ici une petite création littéraire qui témoigne d’un quotidien sur un ton intensément filial. Il s’en dégage toute l’affection mutuelle pouvant exister entre deux êtres que deux générations séparent… finalement de façon on ne peut plus abstraite.
Je retire le plateau et replie la tablette. Dans le vide du lit, tu retrouves tes mains oubliées sur le drap. Tu les regardes comme si tu les découvrais.
Comme nous décelons également celles de Valérie Rouillier dont les dessins spontanés, à l’encre noire et dégradés gris, couvrent des zones réduites des pages, révélant dans les vides du livre, les respirations tendres et les non-dits des deux héroïnes. L’air partout illumine ainsi l’espace du papier laissé à la rêverie de cette relation où chacun ayant encore ou connu sa grand-mère se replongera avec, c’est dit déjà et principal, délice.
Toi et tes grandes mains qui brassent l’air :
Regarde les nuages, comme ils cumulent !
C’est vrai que la vieillesse est prise de silences. Qu’il faut deviner souvent, sauter les registres. Qu’y a-t-il encore tant du logos à tel âge ? L’appétit, le baiser, la caresse, le corps, les mouvements, l’onomatopée, la position, le regard, les sourcils, les sourires, le toucher disent tout et davantage. Et dans ces pages : les dessins tout autant que les phrases.
Tu me prends pour ta mère, ta fille, ton infirmière.
Je cueille ta main dans la mienne. Cale ma joue contre la tienne.
La grâce reste une énigme et l’humanité une évidence qui traversent, parcourent, poursuivent, transpercent la lecture des mots et des traits.
Ta voix résonne comme une prophétie.
Un psaume rauque et sombre.
Le vent se lève dans la chambre.
Ce soir, on dort dans les arbres.
Tito Dupret