Maxime COTON, Au dos des nuits, Tétras Lyre, 2021, 112 p., 16 €, ISBN : 978-2-930685-58-8
« Quand bien même mes phalanges auraient parcouru mille corps, aurais-je plus baroudé que dans le méandre de nos nuits solidaires, obstinées, qui créent le temps à la mesure de leur minuscule infini ? »
Au dos des nuits de Maxime Coton se présente comme un recueil de poèmes et de notes éparses rythmés par les différents mois de l’année, de décembre à novembre. Le livre (dont la première mouture a obtenu le Prix Robert Goffin 2018) réunit des textes qui se déploient sur une large période d’écriture, entre le 14 octobre 2010 et le 27 novembre 2019 dans différents lieux du monde. Les textes ne sont pourtant pas datés : ce faisant, ils acquièrent dans le recueil une coloration intemporelle.
Cette dimension d’intemporalité est figurée par le motif de la « nuit » ; cette même nuit où s’exacerbent les sensations, où se brouillent les frontières tant spatiales que temporelles, où s’accouplent nudité et désir de chaleur, tendresse et doutes. La peau et les mains éclairent à la façon d’une lampe les poèmes, l’incertitude du langage et de la vie même.
Où nous lisons, nous faisons le monde,
Et c’est toujours dans l’obscurité.
Éclairer les doutes.
Là, porter les yeux sur les êtres,
Les végétaux que l’on ignore ignorer.
Où nous lisons, le monde nous fait,
Et nous remercions l’obscurité.
La dimension de l’archive occupe une place prépondérante au sein du recueil – archive sonore ou visuelle, comme en témoignent quelques photos rassemblées dans le recueil, aux contours flous et contrastés. « L’archive, c’est le corps », formule le poète ; elle oscille entre trouble, effacement et précision, à l’instar de la langue du poète. L’archive, comme la lumière, est la matrice de l’écriture, de sa réflexivité et de son déploiement : elle interroge sur ce qu’est exister (aux yeux des autres et des choses), ce qu’est avoir un corps, ce qu’est le parcourir et traverser la vie.
Pour Maxime Coton, qui multiplie les dispositifs et les supports, « les livres sont nécessaires mais pas suffisants ». Ainsi, comme l’a très justement expliqué Anne-Lise Remacle, certains poèmes d’Au dos des nuits ont fait l’objet d’affichages poétiques au sein des maisons : le recto laissait voir un vers phosphorescent tandis qu’au verso était repris le poème complet. Ce geste rendait visible la face de lumière et la face d’ombre de l’écriture du poète. Enfin, les poèmes de ce recueil seront amplifiés au travers d’une mise en musique, puis seront diffusés au travers de concerts et de vidéos.
Charline Lambert