Pierre-Jean FOULON, Enclave de la confession, Spantole, 2020, 48 p., 8 €, Dépôt légal : 2020-0667-4
Enveloppés entre les deux plis d’un carton blanc de petit format, trois cahiers de 16 pages volantes s’échappent des mains et glissent sur les genoux. Enclave de la confession est un objet littéraire de la taille d’un livret léger comme l’air. Imprimé à cinquante exemplaires, il compte 60 textes courts et pesamment numérotés. Ce n’est pas le seul contraste fort dans cette publication. Le titre est en effet un subtil oxymore pendant que la forme minimaliste accueille un contenu franchement baroque.
Ainsi bleuissent les phases de ma confession, enclave surprise par la semence de l’infini.
Pierre-Jean Foulon m’explique au téléphone que son écriture est « semi-automatique ». Il veut dire qu’elle est d’abord automatique puis « retravaillée énormément, des dizaines de fois… une structure apparait ». La première version est beaucoup trop difficile à saisir, et puis, historien de l’art, l’auteur aime les images, leur plasticité. Il veut ainsi traduire par l’écrit des visions mentales comme autant de « tableaux étranges ». Sa plume est un pinceau qui part du trait original, puis retouche tel un peintre à l’étude… jusqu’à l’œuvre finale.
Le silence réclame vertu à la main baladeuse du signe.
Marqué par le surréalisme, Pierre-Jean Foulon est d’ailleurs convaincu qu’André Breton retravaillait aussi ses textes. Quoi qu’il en soit, l’auteur réfléchit ici par aphorismes puis, par couches successives. Il y découvre et dégage des questions philosophiques à l’intérieur de sa poésie. Non pas métaphysiques, mais de sens pour tenter d’en donner « à ce que l’on fait, à ce que l’on vit, pourquoi on est ici ». L’écriture, il la souhaite à la fois claire, fluide, transparente, mais sans craindre l’hermétisme car c’est l’image qui compte, la plus forte étant que ce petit livre est « une bouteille à la mer ».
Il troque ses vestiges contre des abus de méthodes. Il ne connaît des mythes que l’implosion de leurs mensonges.
Une pleine bouteille de messages à boire par petits traits, car chaque gorgée est un cocktail nouveau, étonnant, détonant, enivrant. On lit un passage, on lève la tête et la saveur des mots s’y diffuse tels des nectars dans le palais de la bouche, de la pensée, de l’onirisme. Ici, l’auteur s’en réfère ouvertement à L’art à l’état gazeux : essai sur le triomphe de l’esthétique d’Yves Michaud, s’inscrivant ainsi dans cette nouvelle ligne artistique contemporaine.
Le sens geignait dans l’ordre giratoire des mots et des ensembles. Tourbillonnant sous guillotine, les blondes syntaxes craquaient comme meules et grains.
Seule l’intersubjectivité permet la rencontre : des « choses apparaissent l’un pour l’autre » dans un texte-relais entre auteur et lecteur. L’œuvre se fait intermédiaire vers « l’espoir de retour, l’espoir d’un déclic. Un livre ne suffit pas en soi et toute sa communication autour est essentielle. » Dans cet esprit, Pierre-Jean Foulon m’assure que mon coup de téléphone correspond par exemple à l’oreille voulue pour sa confession : elle nous sort tous deux de l’enclave.
Tito Dupret