Quand les ours s’éveillent

Un coup de cœur du Carnet

aNNe HERBAUTS, Comment on fait les bébés ours, Esperluète, 2021, 2 x 32 p., 18 €, ISBN : 9782359841398

herbauts comment on fait les bebes oursEn 2018, les éditions Esperluète publiaient Les koalas ne lisent pas de livres- Les grizzlis ne dorment qu’en hiver, un double album d’aNNe herbauts, sorte de livre à deux entrées, tête bêche. L’autrice-illustratrice s’aperçut que ce dispositif de deux livres dos-à-dos serait particulièrement propice à l’histoire d’une rencontre : les deux côtés partageant une fin commune, il s’agissait de raconter deux parcours convergeant vers une réunion. Dans Comment on fait les bébés ours, elle nous propose une histoire d’amour : les deux parties racontent l’éveil d’un.e ours.e au printemps, à la sortie de l’hibernation, sa redécouverte du soleil, du vent et du miel. Chacun chemine de bourgeons en branches, d’oiseaux en libellules, de scarabées en fourmis, jusqu’à la rencontre des deux bêtes, appelées l’une à l’autre, à un peau-à-peau. Le titre suggère une suite que nous ne verrons pas… mais l’on devine que l’histoire continuera donc une fois le livre refermé.

Le texte, d’une exquise délicatesse, est rédigé en « marabout de ficelle ». Les syllabes se doublent, comme un bégaiement, et les bouts de phrase se fondent, se mêlent les uns dans les autres. Se rencontrent, eux aussi.

marabout bout d’ficelle selle de cheval cheval de course
ours d’hiver
vert bourgeon
jonquilles grêles
ailes citrons
troncs mélèzes
zestes duvets
vêtus verts
vertige doux
d’où vient le vent ?
ventre frimousse
mousse et sucs
succulents

Cohérence du sujet, de la forme et du texte, mais également des illustrations. Celles-ci écrivent le récit tout autre que les mots. Les deux côtés ont chacun leur tonalité : le premier présente des formes franches, brutes, sur fond blanc. L’ours est une masse sombre de peinture texturée, sans trait. Les papiers découpés deviennent branches, canards, troncs et insectes. Dans le second côté, aNNe herbauts fait la part belle aux imprimés qu’elle décline pour plonger l’animal dans la nature en fleur, en bourgeon, changeante. Elle parvient merveilleusement à restituer les sensations printanières. Odeur, chaleur, couleur, il lui suffit de peu de mots et d’images simples pour évoquer ce que perçoivent les deux fauves bruns.

On ressort absolument charmé de cette lecture joueuse et poétique, ce petit bout de chemin en compagnie d’ursidés. Un livre pour les enfants mais pas que… À lire au creux de l’hiver pour mieux attendre la promesse du renouveau.

Fanny Deschamps

En savoir plus

Pour (re)découvrir Anne Herbauts et son œuvre, lisez son portrait publié dans le n°192 du Carnet et les Instants.