Jean-Louis VANHERWEGHEM, ARDS, M.E.O., 2021, 72 p., 10 € / ePub : 6.49 €, ISBN : 9782807003088
Jean-Louis Vanherweghem est médecin néphrologue, il a exercé de hautes fonctions académiques et il est l’auteur de plusieurs publications de vulgarisation médicale, d’essais en rapport avec la santé. S’il a repris la plume cette fois, c’est pour nous faire récit de ce qui lui est advenu lorsque son épouse a connu de graves problèmes de santé qui ont entraîné son décès en 2018. Atteinte du Syndrôme de Détresse Respiratoire Aigüe, connu sous l’acronyme ARDS, elle a été confrontée aux symptômes que l’on connaît chez les patients atteints des formes les plus graves de Covid 19, mais les faits relatés sont évidemment antérieurs à la pandémie que nous connaissons depuis début 2020.
Tout débute un matin d’août alors que Jean-Louis Vanherweghem échoue à réveiller son épouse et qu’il constate que celle-ci respire avec difficulté. Il appelle aussitôt les secours et le transfert vers l’hôpital le plus proche est effectué sans délai. Habitué à figurer parmi les protagonistes des soins, voici l’auteur cette fois relégué à la place ordinaire des accompagnants des patients admis dans les services d’urgence, donc dans une posture d’attente. Sa formation médicale l’aide bien entendu à comprendre les informations qui lui seront communiquées par la suite, à estimer l’évolution de l’état de son épouse, à mesurer les chances de survie, les risques de décès. Malgré les efforts déployés, puis en dépit du transfert vers les soins intensifs de l’hôpital universitaire dans lequel il exerce et où un confrère et ami prend le suivi en charge, rien ne semble s’arranger. D’heure en heure, nous vivons avec lui les espoirs puis les rechutes, de rares moments de retour à la conscience. Puis ce sera l’infection généralisée qui conduira à l’issue fatale. Entre le début du récit et celle-ci, dix-huit jours seulement se seront écoulés, intenses, qui mettent à rude épreuve les soignants et les proches.
Si l’auteur rend compte avec une minutie rigoureuse des étapes qui jalonnent cet épisode douloureux, il prend néanmoins le temps de nous offrir des retours vers les moments marquants de sa vie de couple et plus particulièrement sur la belle complicité qui l’unissait à son épouse, leur volonté partagée de célébrer la beauté des choses, de savourer les instants précieux même dans les derniers mois marqués par le cancer. Son écriture est manifestement guidée par le souci de permettre à tous de comprendre les termes médicaux (qu’explicitent des renvois vers des notes de bas de page), mais c’est évidemment la dimension humaine de ce récit bref qui marquera le lecteur : quoique pudique, l’auteur ne dissimule pas son désarroi personnel qui ne l’empêche pas de nous faire état de ses réflexions sur l’univers hospitalier vu du point de vue des usagers, tout en saluant le travail des professionnels.
Il se dégage de ces pages une dignité peu commune alors que l’on sait qu’en pareil cas, on se débat souvent avec l’incompréhension, la colère, la rancune ou l’abattement. Et puis, surtout, en ces temps où des mesures contraignantes nous interrogent tous, et où les services hospitaliers sont plus encore des lieux de mystères pour beaucoup, le livre nous permet indirectement de nous faire une idée de la souffrance de patients et des soignants face à des symptômes particulièrement violents et meurtriers. Aussi ce récit très personnel prend-t-il une dimension dont l’universalité est à la mesure du virus qui s’est insidieusement glissé au plus intime de nos vies.
Thierry Detienne