Éric VAN ESSCHE (dir.), (R)évolutions du Street Art, CFC éditions, 2021, 288 p., 28 €, ISBN : 978-2-87572-071-9
Philadelphie, années 60, les premiers graffitis apparaissent sur les murs de la ville.
Février 2022, un musée bruxellois expose de nombreux artistes urbains issus de ses collections.
Entre les deux, que s’est-il passé ?
Dans le métro, sur les volets baissés, dans les zones grises, sur les murs des écoles, dans les galeries d’art, sur les tee-shirts, dans les toilettes, sur les paquets de biscuits, au musée, dans les gares… Les graffitis sont partout.
(R)Évolutions du Street Art, l’essai collectif dirigé par Éric Van Essche et publié par CFC éditions n’a pas pour objectif de proposer aux lecteurs une analyse graphique et/ou esthétique de l’art urbain contemporain. Il n’y est pas non plus question de courants, de techniques, de genres ou de catégories.
(R)Évolutions du Street Art nous présente, au travers de divers chapitres, l’évolution du street art : de discipline associée au vandalisme et à la déprédation jusqu’à mouvement désormais présent dans tous les secteurs de nos sociétés contemporaines.
S’agit-il d’une évolution logique ? Comment l’expliquer ?
Qu’en est-il des acteurs principaux, les artistes ? Comment vivent-ils cette transition ?
Et qui sont les nouveaux acteurs gravitant autour du mouvement ?
Les nouveaux acteurs
Les artistes ne sont plus les seuls acteurs de ce mouvement : pouvoirs publics, sociétés privées, galeries et collectionneurs, … Ils sont désormais nombreux à intervenir dans ce qui est devenu un véritable courant artistique connu et reconnu. Pour le meilleur et, sans doute parfois pour le pire.
L’intérêt premier de l’ouvrage se situe d’ailleurs là : les auteurs analysent les bouleversements qui ont secoué le mouvement durant ces dernières années et cherchent à l’expliquer en donnant la parole aux représentants des différents secteurs concernés.
Qu’ils soient issus du secteur public ou fruits d’initiatives privées, de nouveaux acteurs ont débarqué dans la sphère du street art et en ont fait un marché de plus, régi par les règles du capitalisme : rentabilité, gentrification, tourisme de masse, « ville créative », cote auprès des galeries et des collectionneurs, …
Mais, ces nouveaux acteurs ont aussi fait sortir des artistes et leur travail de la clandestinité, ils ont proposé de nouveaux lieux d’expression et ont suscité la curiosité et l’intérêt d’un public de plus en plus large. Grâce à certains d’entre eux, les arts urbains sont devenus des vecteurs d’émancipation et d’intégration, de lutte contre les discriminations et, ils ont participé à la renaissance de certains lieux et de certains quartiers.
Compromission ?
S’agit-il là d’une forme de compromission par laquelle certains artistes se sont grillés auprès de leurs semblables ?
Désormais, deux courants s’opposent. Il y a ceux qui ont fait le choix de la participation : répondre aux appels à projets, participer à des expositions, prendre part à la vulgarisation et à la communication avec le grand public, travailler avec des marques, … Et il y a les autres, ceux qui refusent de sortir de l’ombre, ceux pour qui seul le tag et le graffiti comptent et uniquement quand ils sont pratiqués dans l’illégalité.
J’ai fait mon choix et finalement je préférais le temps où les gens détestaient le graffiti
Mémoire et archivage
Le second point fort de ce livre est la richesse de ses illustrations. Des photographies de « spots » importants, de murs incontournables et d’œuvres d’artistes documentent chaque chapitre de l’ouvrage. Et cela pose la question de la « mémoire » du mouvement.
Rien de plus éphémère, parfois, qu’un graffiti, un collage, un tag ou un sticker. Quid de la trace gardée de ces œuvres ? Heureusement, ici aussi, les collectifs, les citoyens curieux et amateurs, les artistes eux-mêmes, ont un rôle à jouer en photographiant, en compilant ces traces laissées sur les murs de nos villes. Et c’est le parti pris par CFC éditions qui, depuis quelques années, outre ce dernier ouvrage, a consacré quelques monographies au street art et à certains acteurs majeurs sur la scène belge : L’autre part (2020), Hell’O Monsters : Untitled Odyssey (2018), Bonom, le singe boiteux (2014).
David Dusart