Géraldine FIASSE, Culpa, L’échelle du temps, 2022, 224 p., 18 €, ISBN : 978-2-37622-244-6
Parfois, le malheur surgit sans crier gare et le sol se dérobe sous nos pas, nous laissant orphelins de nos plus belles certitudes. C’est ce qui arrive à Suzanne, une jeune journaliste surmenée dont la voiture renverse un cycliste alors qu’elle arrive aux abords de l’école de son fils. Elle n’a rien vu et sous le choc, elle perd connaissance. À son réveil, elle apprend le drame et on lui précise que la victime est décédée. S’ensuit une descente aux enfers d’autant que son mari, qui se montrait de plus en plus oppressant (il l’assaillait de textos au moment de l’accident) en profite pour prendre le large et la tenir éloignée de leur fils. Elle se trouve seule pour répondre face à la justice de l’homicide involontaire qu’elle a commis.
Cette étape franchie ouvre la porte à un lent et patient retour à la vie, une longue route qui lui réserve d’autres surprises. Celle des retrouvailles avec son fils après son éloignement, de la rencontre des parents d’Alex, le cycliste décédé, qui partagent leur douleur avec elle et lui ôtent le superflu de sa culpabilité. Mais surtout, elle va faire la connaissance de Judith qui deviendra son amie avant que la passion s’invite dans leur histoire qui paraît limpide et bénéfique. Avec elle, Suzanne découvre un plaisir de vivre qu’elle ne goûtait plus et qui lui ouvre des perspectives heureuses. À moins que le destin n’ait pas dit son dernier mot …
Ce premier roman de Géraldine Fiasse fait la part belle à des parcours de femmes décidées à prendre leur sort en mains, à se dégager de l’emprise de la gent masculine. Il s’inscrit dans ce mouvement bien sensible qui passe aussi par la reconquête de l’espace littéraire où cette domination s’exprime encore. Largement nourri des approches thérapeutiques actuelles, Culpa décortique les relations et met en évidence les mécanismes qui contribuent ou non à la reconstruction de soi lorsque l’on est en proie à la culpabilité et que l’on veut s’en défaire. Suivant les pas de Suzanne, qui ne sait pas toujours où elle va, nous découvrons avec elle ce que chaque jour lui réserve, saluant sa belle énergie et son appétit de vivre, par-delà les aléas. La narration, vive et riche en rebondissements, est servie par une écriture efficace qui en épouse le mouvement. Écrire un premier roman constitue un défi certain, et puis le livre édité s’éloigne comme une bouteille à la mer, poussé par les courants des lecteurs et le vent, que nous lui souhaitons bon.
Thierry Detienne