Lydia Flem avec les sciences humaines

Lydia FLEM, Bouche bavarde oreille curieuse, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », 2022, 270 p., 22 € / ePub : 15,99 €, ISBN : 978-2-02-151273-1

flem bouche bavardeLorsque nous l’avions rencontrée à l’occasion de la parution de Paris fantasme (Le Carnet et les Instants n°209), Lydia Flem nous avait rappelé que même si cela n’apparaissait pas à la majorité de ses lecteurs, les sciences humaines avaient été ses « balises depuis toujours ». En parallèle de sa carrière d’écrivaine, de psychanalyste et de photographe, elle a publié de nombreux articles, entre autres dans Le genre humain, dirigée par Maurice Olender, également à la conduite de la réputée collection « La Librairie du XXIe siècle », aux éditions du Seuil, où elle a publié la quasi-totalité de ses livres, dont son inoubliable trilogie familiale (Comment j’ai vidé la maison de mes parents, Lettres d’amour en héritage et Comment je me suis séparée de ma fille et de mon quasi-fils). Le volume récemment paru dans cette même collection, Bouche bavarde oreille curieuse, reprend une vingtaine de ces articles publiés entre 1982 et 2020. Elle y fait dialoguer la psychanalyse, l’histoire, l’anthropologie, la littérature, le cinéma, la photographie, l’art, des figures comme son cher Sigmund Freud, Auguste Rodin, Giacomo Casanova, des pairs comme Jacques Rancière, Michel de Certeau, Alain Fleischer, Arlette Farge.

Que ce soit en analysant la quête de la masculinité dans le western (le cow-boy serait plutôt un homme cheval) ; la part de fantasme, d’inconscient, de regard, de libido, de culturel et de social dans les premiers temps de la relation mère-enfant ; les origines et les composantes de la rumeur…, Lydia Flem écrit toujours avec la même érudition curieuse et généreuse, la même pensée bienfaisante et éclairante, la même écriture empathique et classique auxquelles elle est restée fidèle depuis ses textes initiaux. La compilation des articles fait ressortir sa perception dynamique des événements et des sujets abordés. Ainsi dans le texte « Représentations de l’inceste. D’Œdipe à Figaro », elle donne à comprendre, que « la prohibition de l’inceste et le désir incestueux n’ont été ni vécus ni représentés de la même manière à travers le temps et l’espace. » C’est également très saillant dans son approche de Freud où jamais elle ne prend un concept à un moment figé mais toujours dans son évolution. Elle fait de même avec la part intime de l’homme qu’est Freud – on a toujours perçu qu’elle avait autant d’attirance pour l’être humain que pour le scientifique – quand elle étudie son rapport à la judéité. Elle raconte comment la Bible l’a accompagné de l’enfance à la vieillesse, notamment à travers la version particulière illustrée et commentée par le rabbin Philippson.

Lydia Flem écrit ses articles sans soulever de doutes, sans mettre en contradiction, sans chercher la dispute – son camp est celui de la nuance, de l’apaisement, de la patience. Pour se faire, elle choisit les auteurs, les chercheurs, les artistes qui approfondissent, enrichissent le sujet abordé, et cela sans jamais, elle, donner l’impression d’intervenir (même si sa façon de procéder est déjà un geste d’intervention). Parfois, cependant, des idées sont assénées comme des vérités que l’on voudrait voir discutées à l’éclairage, par exemple, des débats récents sur l’art ou le genre. Mais peut-être, pour avoir les premières ébauches de réponses à nos interrogations, faut-il, nous aussi, faire travailler entre eux les textes de Lydia Flem.

Michel Zumkir

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