Félix Laurent THE ROVER, Né en hiver, Ateliers du Toner, 12 m x 30 cm, 30 €
La bande dessinée est un eldorado pour les amateurs de jeux de mots. Le milieu indépendant s’est inscrit dans cette tradition en dénommant son nouveau lieu de production « les Ateliers du Toner ». Ces ateliers sont installés au sein de la Maison Camille Lemonnier, chaussée de Wavre à Ixelles. Les auteurs graphiques peuvent s’y rencontrer, expérimenter et façonner leurs propres créations en utilisant des machines d’impression aux fonctions variées.
Régulièrement, des auteurs sont également sélectionnés pour des résidences de quelques semaines, afin d’y faire aboutir un projet de microédition. Au fil du temps, ces productions « du Toner » s’accroissent, et se diffusent. Elles contribuent utilement au renouvellement et à la diversification de la microédition illustrée à Bruxelles et en Wallonie. C’est en ces lieux que Félix Laurent « The Rover » a récemment fait halte.
L’auteur a d’abord suivi le parcours de nombreux jeunes citoyens français passionnés de dessin : migrer vers le nord, suivre les cours d’une école d’art bruxelloise et s’installer à demeure dans le pays. Un surnom, « The Rover », lui est rapidement devenu nécessaire pour se distinguer d’un homonyme bruxellois également actif en bande dessinée.
Son projet, Né en hiver, a été créé au sein l’institut Saint-Luc de Bruxelles. Félix Laurent « The Rover » y a conçu une histoire sous forme de grande frise dessinée et encrée à la plume, avant d’être scannée et colorisée par des procédés numériques.
Le récit a ensuite été produit sous la forme d’album durant la résidence aux Ateliers du Toner : l’œuvre créée est un leporello long de 12 mètres et haut de 30 centimètres, constitué de 28 pages, chacune au format A3. L’impression a été réalisée avec les procédés comcolor et risographie.
La narration est entièrement muette. Elle s’ancre dans un contexte médiéval violent : un chevalier en armure participe à l’attaque massive d’un vaste château-fort, avec pluies de flèches et combats au corps à corps. La consigne paraît claire : tous les défenseurs et habitants seront massacrés. Mais devant un nouveau-né trouvé dans la chambre de la châtelaine, comment le chevalier va-t-il réagir ?
L’album s’inscrit dans la filiation des grands panoramas de bataille : le récit s’organise en une seule longue image-paysage dans laquelle le personnage principal évolue, depuis son entrée dans le château-fort jusqu’à sa sortie. L’avant-plan est principalement traité en monochromie bleue. Des variantes d’intensité permettent de distinguer les groupes de personnages du reste du décor. Ce procédé graphique focalise l’attention sur les actes des protagonistes, il évite de trop insister sur la débauche de sang qui caractérise pourtant les scènes du récit.
La confection d’une frise aussi imposante a impliqué de longues et méticuleuses séances de pliage et de collage. De plus, la maîtrise des couleurs du ciel et de la lumière a relevé du défi technique : il convenait en effet de glisser, sans heurt et en un seul plan, d’une nuit éclairée de braseros à la naissance de l’aube, puis à un jour ensoleillé : une dernière séquence de fin de bataille qui voit des corbeaux s’approcher des cadavres, non loin d’un jeune homme qui retire son heaume, épuisé et meurtri.
L’ouvrage Né en hiver a été produit en série limitée. Une version de travail en ligne est accessible sur le site labase.be, de l’Institut Saint-Luc de Bruxelles.
Bruno Merckx
Plus d’information
- La fiche de Félix Laurent
- Félix Laurent « The Rover » :
- Les Ateliers du Toner (Espace de littératures illustrées asbl)