Notre sorcière bien-aimée

Tanguy HABRAND, Hermione Granger. Lectrice de Harry Potter, Impressions nouvelles, coll. « La fabrique des héros », 2022, 144 p., 13 € / ePub : 7,99 €, ISBN : 9782390700005

habrand hermione grangerPour le douzième opus de la collection « La fabrique des héros » qu’il a cofondée en 2019 et qu’il codirige depuis lors, c’est Tanguy Habrand qui s’est prêté à l’exercice d’interroger les imaginaires partagés autour d’une figure de la culture populaire. Celle sur laquelle il a jeté son dévolu réjouira tous les aficionados de la saga potterienne : Hermione Granger, « seul personnage féminin à avoir été réellement investi, de manière positive, par J.K. Rowling » ; d’ailleurs, « il s’en est fallu de peu pour qu’elle ne vole la vedette à Harry ». Quant à son angle d’attaque, la lecture, il se révèle hautement stimulant et se ramifie en considérations sur l’activité en elle-même, mais également la légitimité de l’écrit, le statut de l’objet-livre, le rapport au savoir, l’univers de la presse, l’éducation aux médias, etc. Et quel biais des plus pertinents vu que « à l’école de Poudlard, tout commence et tout finit par un livre. Livres de savoir ou de divertissement, livres prescrits ou interdits, livres compagnons ou dangereux » !

Au début de leur aventure éditoriale commune, Dick Tomasovic, l’autre co-directeur de la collection, déclarait que « chaque livre [était] un peu comme une déclaration d’amour qui ne di[sai]t pas son nom entre un lecteur devenu auteur et un personnage qui l’a marqué » et que « si l’on ajout[ait] le lecteur du volume, cela donn[ait] un très réjouissant ménage à trois ». Dans Hermione Granger. Lectrice de Harry Potter, l’alchimie du trouple prend dès les premières lignes, et l’on ne peut douter une seconde de l’affection que Habrand nourrit pour la magicienne aux origines moldues. Ainsi, bien qu’il lui reconnaisse – devant l’évidence, autant s’incliner – certains côtés agaçants, l’auteur prendra à chaque fois la peine de les expliquer (sans commettre la maladresse de les justifier) et de les envisager en perspective. Par cette subtile atténuation, Hermione en ressort toujours plus attachante et autrement plus complexe que l’impression de Mademoiselle-je-sais-tout dans laquelle il est facile de l’enfermer.

Ce bref essai est un exemple de vulgarisation réussie : tout en répondant à des exigences scientifiques dans sa rigueur et sa structure, il propose une démonstration fluide et plaisante à suivre pour tout qui est à priori rétif aux essais trop académiques. Dans un style clair et à travers une subjectivité finement assumée, Habrand dresse un portrait contrasté de l’héroïne fictionnelle, passant aisément des livres aux films. Il met en lumière la véritable étoffe de Miss Granger : avide de savoirs à l’esprit critique, respectueuse des règles et soucieuse du bien commun, bonne élève à l’esprit rebelle, indépendante à l’âme altruiste, cartésienne aux émotions vives et à l’empathie débordante, femme en devenir et humaine en quête de légitimité et de justice, « c’est […] une jeune fille sans origines notables qui apprend, par la lecture, à se dépasser, à analyser et à comprendre le monde, avec pour ambition de le transformer ». Hermione, notre sorcière bien-aimée.

Samia Hammami

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