Pascale FONTENEAU et Kikie CRÊVECOEUR, C’est reparti !, La pierre d’alun, coll. « La petite pierre », 64 p., 15 €, ISBN: 978-2-87429-130-2
Même s’il trouve des adeptes sous format numérique, le livre reste un objet que l’on tient en mains et qui s’appréhende par le regard, le toucher des doigts et plus encore. C’est reparti ! tient presque dans le creux de la main, avec sa reliure annelée, et il attire les yeux avec les couleurs chaudes de sa couverture jaune aux caractères d’un rouge irisé. Celle-ci tournée et devenue la dernière, on découvre la facture d’un papier cartonné et doux et, très vite, cette citation liminaire de Christian Dotrement, qui donne le ton : « J’ai l’air de fragmenter comme ça en réalité j’unis ».
Suivent douze titres, chapeautant 3 à 4 pages chacun, répondant aux douze mois de l’année et secondés d’un sous-titre en lien évident ou non avec celui-ci. Le plus souvent, les textes évoquent des faits qui correspondent au mois évoqué : les bonnes résolutions de l’an neuf, les crêpes de la chandeleur, le changement d’heure de printemps, le retour des sports d’extérieur, les barbecues de beaux jours, les vacances, l’arrivée de la pluie, les frimas de novembre, la fin de l’année. Tout cela ressemble d’abord à un bavardage entre voisins, un rien convenu, avec la légèreté des lieux communs qui sied aux amorces. Mais chassez le naturel, il revient au galop, Pascale Fonteneau assaisonne son propos des considérations acidulées dont elle a la secret, se plaisant à deviser sur notre monde en n’épargnant rien ni personne. Elle pousse l’exercice jusqu’aux limites du dérisoire, du comique, distillant quelques perles sur notre condition humaine. Ce faisant, elle extrait de l’ordinaire tout à la fois le grave et le cocasse qu’elle réunit en un joyeux cortège qui titille l’esprit :
Après les baisers du premier de l’an, la galette des rois, cette fois on fait sauter les crêpes en espérant fortunes et félicité. Incorrigibles que nous sommes. Certes on n’y croit pas vraiment, mais le temps d’un instant on s’imagine quand même gérant des millions tombés du ciel dans notre assiette. S’imposent alors des arbitrages inconnus : à qui le dire ? À qui donner ? Aux pauvres les plus proches ? Aux causes perdues ou aux marchands du temple qui referont la cuisine et changeront la voiture en carrosse à paillettes ?
Les illustrations de Kikie Crèvecoeur ravissent les yeux avec leur tracé à gros traits animé et simple, en noir et blanc ou coloré, qui collent aux réalités évoquées ou relancent l’imaginaire, suivant ainsi le rythme du va-et-vient qui anime le texte. Ici aussi, l’économie des moyens mobilisés impose le respect et se marie aux propos tenus.
Voici déjà dernière page tournée et, par l’effet des anneaux, la fin devient le début, comme dans la ronde des années, et C’est reparti ! pour un tour qui jamais ne s’arrête si l’envie nous en prend.
Thierry Detienne