Christophe POOT, Konvalescens / Stockholm 1906, Cinquième couche, 2023, 128 p., 25 €, ISBN : 978-239008-088-6
Après, notamment, le superbe Hareng couvre-chef et autres chansons de marins, le dessinateur et auteur Christophe Poot nous revient avec le non moins superbe Konvalescens / Stockholm 1906. D’entrée de jeu, ce livre, comprenant des textes en suédois de Tove Wallsten et mêlant mots et dessins, se veut polyphonique, musical. La “partition” initiale fait office de table des matières, distribue le livre en différentes sections (“éther”, “imprésario”, “récital”,…) et tonalités (“bucolique”, “solitude”…) auxquelles répondront les dessins si caractéristiques de Christophe Poot.
Date et lieu sont circonscrits dès le titre : Stockholm, 1906. Puis, ici, une église ; là, un sauna ; là encore, un musée, une salle de concert… C’est ainsi que l’aventure de la lecture est non seulement située, mais acquiert également un surcroît d’onirisme, à l’instar d’une déambulation dans la ville suédoise. Entre dialogues, journal, chansons et correspondances, ce livre imbrique autant de formes langagières que de “registres de traits” qui les prolongent. Christophe Poot fait de l’expérience de la lecture et du regard une épreuve concrète, physique et ce, dès le dessin en couverture. Jouant tant avec les échos, les perspectives qu’avec l’objet-livre lui-même, la lecture devient une expérience entière. Flou du tracé ou tâches d’encre, finesse du trait ou ombres, réinventant la notion même de “rigueur”, les dessins suggèrent une ambiance, une immersion dans les affects, auxquels s’ajoutent un texte sensible.
Je veux atteindre une essence, Oscar. La musique comme un fil de soie, comme un ruisseau dans les rochers. Un tracé mélancolique et minéral. J’en suis tellement loin, si loin.
Konvalescens / Stockholm 1906 est non seulement une aventure livresque émouvante, mais également une histoire, une narration. Sans trop en dévoiler, celle-ci prend sa source dans la musique, dans l’amour – jusqu’à l’évanouissement. Comme souvent chez Christophe Poot, les protagonistes portent en eux une intensité et une profondeur qui se révèlent dans le regard, dans le contact (de la page et des traits). Tout l’art de Poot réside à cet endroit : suggérer des ambiances, raconter des histoires, mais aussi donner à entendre la petite musique des êtres qui vibre dans chacune de leurs expériences.
Charline Lambert