Quand le lien devient prison

Corine JAMAR, Les aimantes, Zellige, 2023, 222 p., 22 €, ISBN : 978-2-492604-01-0

jamar les aimantesLe récit s’ouvre sur le décès d’une personne qui replonge l’héroïne, Delphine, dans une vieille amitié ayant pris une grande place dans sa vie. Elle prend alors un carnet pour jeter sur le papier cette histoire qui a pris un tournant décisif une douzaine d’années plus tôt. À cette époque, Delphine était amie avec Anne, Noémie et Éléonore et leur quatuor était scellé par la mort, ou plutôt la perte ou l’absence d’amour ayant laissé des traces profondes indélébiles.

Delphine revisite son amitié avec ces trois femmes en égrainant des fragments de son histoire, ce qui invite le lecteur à replacer les pièces du puzzle dans l’ordre, tout en palpant l’unicité du lien qui unit la protagoniste avec chacune de ses amies. D’un côté, Delphine se bat avec la précarité engendrée par son métier de comédienne et remet son couple en question suite à l’incendie de sa maison de vacances ; de l’autre côté, Noémie s’épuise dans un divorce conflictuel et une relation difficile avec sa mère adoptive, Éléonore vit sous l’emprise d’un mari violent verbalement, tandis qu’Anne a arrêté de vivre depuis la mort de son fils.

Le lien entre les quatre amies est malmené, c’est lorsque le fils d’Anne décède accidentellement dans le jardin de Delphine. Pétrie de culpabilité, cette dernière devient presque l’esclave consentante d’Anne pour calmer la colère et la tristesse de son amie, mais leur amitié parviendra-t-elle à dépasser une telle épreuve ?

Les aimantes nous donne à lire l’histoire de quatre femmes qui traversent les difficultés classiques de la vie de couple et de parents. Elles sont unies par une amitié fusionnelle et ipso facto immature qui manifeste ses limites à un moment donné, poussant chacune des protagonistes à grandir et faire évoluer le lien, ou à faire éclater la systémique amicale. Lorsque l’une d’elles est prête à avorter ou rompre dans son couple pour sauvegarder leur amitié, peut-on encore parler d’amitié vraie ? L’héroïne part du principe que l’amour ne dure pas et que l’amitié, c’est du solide, mais elle se rend compte qu’il y a un prix à payer à cette croyance.

Anne pleurait toujours son fils disparu, Éléonore, de notre point de vue, souffrait tous les jours même si elle n’en était pas consciente, Noémie, elle, vivait un douloureux divorce et ses rapports avec sa mère adoptive se détérioraient. Moi, par comparaison, j’allais bien. J’ai voulu rafraîchir ma souffrance, update, comme on dira une dizaine d’années plus tard. C’est ce moyen-là, quitter Peter, que j’avais trouvé pour me rapprocher de mes amies, et repousser l’inéluctable : la fin de notre amitié.

Le roman de Corine Jamar est écrit dans un style simple et fluide où la part belle est donnée à la psychologisation des comportements des personnages. Tout est disséqué et analysé, ce qui met en valeur l’attachement, les jeux de pouvoir et les enjeux qui se jouent dans les relations évoquées.

Pour tenter de récupérer cette part d’amour qui lui revenait de droit mais que la disparition de Julien avait confisquée, Bérénice [la fille d’Anne] avait décidé de disparaître de sa vue. Ressembler en cela à son petit frère mais sans toutefois mourir : déménager et habiter chez son père.

On regrettera dans ce livre un certain nombre de fautes d’orthographe qui ternissent le plaisir de la lecture.

Séverine Radoux

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