Braconnière de riens

Martine ROUHART, Guetter les embellies, Préface Patrick Devaux, Illustrations Isabelle Simon, Coudrier, 2024, 62 p., 18 €, ISBN 978-2-39052-065-8

rouhart guetter les embelliesDepuis peu présidente de l’Association des écrivains de Belgique (AEB), membre active de l’Association des écrivains et artistes de Wallonie (AREAW), Martine Rouhart est une personnalité attachante du monde des Lettres belges de langue française. On la connaît principalement comme poétesse, une forme qu’elle alterne avec la prose romanesque. On se souviendra entre autres d’un émouvant récit autobiographique Les ailes battantes (2021, Éditions M.E.O.) et du roman Les fantômes de Théodore (2020, Éditions Murmure des soirs).

Guetter les embellies, orné de linogravures de l’artiste bretonne Isabelle Simon, est agrémenté d’une préface de Patrick Devaux. Ce dernier nous offre à l’entame du livre, une grille de lecture de l’œuvre de la poétesse avec qui il a co-écrit, chez le même éditeur, Mouvances de plumes (2022). De son amie poétesse il écrit qu’elle est une ciseleuse d’émotions. On ne pourrait mieux identifier ce qui fait cette grâce simple et lumineuse qui imprègne les textes poétiques que l’autrice réunit de recueil en recueil, ou dans des publications sur les réseaux sociaux.

D’emblée le titre de ce dernier livre clame l’attention que le cœur poétique porte à la quête, dès l’aube, de ce qui dans un mouvement du ciel permettrait de retrouver les rêves / que le petit jour a volés. Et c’est bien là, dans ces instants préservés du petit jour que réside l’inspiration de la poétesse. Elle explore les premières heures en quête de ce qui fera le miel abondant d’une poésie nourrie de l’apparence fragile / traversée de vibrations / et d’affolements. En filigrane transparaissent les sensations plus personnelles, dissimulées parfois, mais si peu, sous la métaphore : les convictions (nous sommes toujours / en chemin), l’attachement (dans cette belle formulation polysémique : je veux être la première/ à caresser le cœur des hêtres), le souvenir intime, à peine esquissé (vient rôder / au fond de moi / le petit vertige de l’abandon).

La deuxième partie du recueil, illustrée d’une fragile libellule, s’ouvre sur un titre Une danse qui n’en finit pas. Celui-ci est décliné ensuite de page en page où chaque texte exprime l’instant fragile que seule la formulation poétique permet de partager. Ainsi surviennent les émeutes intérieures, les rêves dont l’effet est vertige (parfois / je perds pied / à l’intérieur de moi), désarroi (quand j’ai l’âme en pluie) pour celle qui se définit de cette si fulgurante façon : braconnière de riens / je laisse les mots / se frayer un chemin.

À force de brièveté, Martine Rouhart atteint cette plénitude paradoxale qui, apurée, devient aphorisme : le plus long périple / commence / par un petit pas.

Un peu plus loin, on dirait que l’autrice nous offre la synthèse de son art en définissant ce qu’est la poésie pour elle : un refuge / à l’intérieur de soi. Refuge qu’elle a la générosité de nous offrir en partage, en paix retrouvée.

Jean Jauniaux

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