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Prix littéraire Mon’s livre

steursDepuis l’année dernière, Mon’s livre, le salon littéraire hennuyer, a son propre prix littéraire. Doté de 500 €, ce prix couronne Déséquilibres ordinaires, le roman de Françoise Steurs (Cactus inébranlable). Elle succède à Jean-Pol Hecq, primé en 2016 pour Georges et les dragons (Luce Wilquin)Continuer la lecture

« Bougez, le petit oiseau va sortir ! »

Françoise STEURS, Déséquilibres ordinaires, Cactus Inébranlable, 2017, 120 p., 12€, ISBN : 978-2-930659-59-6

steursÇa aurait pu être cet homme, à la face écrevisse, bien bâti, bien ravagé. À la fois campé et chancelant, une bouteille à la main, légèrement en surplomb (quelques marches font l’affaire), il déverse des heures durant un discours logorrhéique, et noie les usagers attendant leur bus sous des flots de paroles insensées, d’envolées lyriques, de constats conspirationnistes. Rien ne l’endigue : ni les intempéries, ni les coups d’œil mi-inquiets mi-gênés des passants, ni les remarques des stewards. Ça aurait pu être cet autre homme, tout ratatiné, les cheveux trop longs, sales et bouclés, une trogne bien de chez nous. Sous sa veste brunâtre qu’il ne quitte jamais, il cache une tenue soignée héritée de sa mère ou une indécente robe fuchsia en crochet. Tout en maugréant, il trie les déchets, récupère les couverts en plastique et les pots de yaourt vides, les frotte consciencieusement avec un mouchoir salivé, et fourre ses trésors dans un cartable rose. Ça aurait pu être cette femme, le minois méfiant, les yeux pourtant rieurs, qui sillonne la ville sans relâche, traîne son grand âge et son cabas tout neuf, offert par son fils à son anniversaire, mais elle n’en voit plus qu’un, de fils, l’autre ne lui parle plus. Ça aurait pu être cet homme africain aux yeux voilés, dont la démarche est si lourde, et la beauté saisissante. S’exprimant dans un sabir indolent (mélange de français, d’allemand et de schizophrénie), il demande ce qu’on a pour lui aujourd’hui. Ça aurait pu être ces autres efflanqués regardant fixement un horizon qu’eux seuls distinguent, ces autres « à l’arrêt » au milieu du flux continu de la ville, ces autres « drôles » dont les gens s’écartent imperceptiblement ou délibérément. Ça aurait pu être ces jeunes en rupture, dans un parcours de vie moins linéaire, dont Françoise Steurs s’occupe en tant qu’enseignante en institution psychiatrique. Ça aurait pu, mais c’est bien de Max, de Max Sans-Tête qu’il est question ici. Continuer la lecture