Séverine RADOUX
Le récit s’ouvre sur un portrait laconique du héros. « Freddo est un drôle. Il élève des serpents dans sa cave, il marche courbé, il mange des orties. Ce type, quand on le voit, on se dit : ʺCelui-là, il doit sûrement lui arriver des aventures.ʺ Et c’est vrai. » D’entrée de jeu, le ton est donné. Notre héros se promène dans la forêt à côté de laquelle il habite avec son chien, Jean-Jacques, et cherche une idée de roman qui le rendra riche. Il veut écrire « une saloperie de polar complètement dégénéré […] pour sonder l’âme humaine, utiliser toutes les saloperies qui y traînent pour tout purger ».
Sur son chemin, il croise Valéria, une chanteuse et galeriste mythomane, qui le supplie de la suivre pour sauver son enfant coincé chez elle dans une armoire. Freddo, « avec son air de cow boy belge », n’écoute que son grand cœur et suit naturellement cette femme belle, élégante, à l’allure intelligente. Les explications de Valéria sur sa situation nous font comprendre que l’histoire qui va suivre ne sera pas triste :
« J’ai des enfants là, enfin ce ne sont pas vraiment les miens, ce sont ceux de mon ami, amant, mari, je ne sais pas comment dire enfin bref, je suis là avec eux dans cette putain de maison là-bas plus loin en pleine forêt, oh mon dieu j’en peux plus j’en peux plus ! »
Effectivement, on ne s’ennuie pas. Freddo s’enfonce dans la forêt avec Valéria et découvre sa maison dans un état de délabrement et de saleté inouï. La demeure est gigantesque et ils déambulent dans de nombreuses pièces avant d’arriver à la fameuse armoire. Ils se découvrent rapidement un point commun : « la picole » et l’art délicat de la gestion de sa consommation. Ils décident de trinquer pour fêter ça et le feront quasi à chaque changement de pièce, chacun pour des raisons différentes. De son côté, Valéria a besoin d’anesthésier ses angoisses et les mauvais souvenirs tapis dans certains recoins de la maison ; de l’autre, Freddo se sert de tout ce qu’il voit, entend et ressent pour se lancer dans de nouvelles spéculations sur la structure narrative de son roman (plus il délire, plus il s’amuse !).
Que dire aux lecteurs ? Âmes sensibles et/ ou politiquement correctes, passez votre chemin. Si un concentré d’action destroy et de sexe borderline, saupoudré d’une touche de philosophie et de quelques expérimentations langagières ne vous effraie pas, vous lirez avec plaisir ce texte tour à tour absurde, inquiétant et amusant, où le loufoque côtoie l’analyse pseudo-philosophique délirante.
Antoine BOUTE, S’enfonçant, spéculer, Bruxelles, ONLIT Éditions, 2015, 200 p., 14€/ ePub : 6,99 €
Écouter un extrait de S’enfonçant, spéculer lu par Antoine Boute sur Sonalitté :