Un coup de coeur du Carnet
Émilie GÄBELE
Six jeunes parcourent la ville à la recherche de l’amour, d’un travail, du bonheur, du plaisir, du réconfort… Chacun à leur tour, par couple ou seul, ils nous racontent leurs déboires sentimentaux, leurs pulsions, leur soif de changement, leur envie de meurtre parfois. Dorothy est incomprise par ses parents et rêve d’un petit trou dans la décharge. Minou, sa meilleure amie, aimerait se venger d’un homme. Bouli souhaiterait se lancer dans le commerce de lingerie fine. Marcel exècre les études. Un événement inattendu a retardé Douglas. Il rencontre Dulcinée, une rêveuse en quête du grand amour. Tous se retrouvent sur le quai de la gare. Survient alors Lila Louise. Elle revient de la guerre. Là-bas, elle a « cassé » du terroriste. Elle les a piétinés, taillés en morceaux, humiliés. Elle en est revenue entière, mais complètement brisée intérieurement, dérangée. Qu’est-ce qui peut encore l’arrêter ? Seule la violence et l’usage des armes semblent s’offrir à elle.
Comme souvent, Stanislas Cotton évoque la guerre. Celle qu’il imagine ici ressemble fort aux guerres menées en Afghanistan ou encore en Irak. On pense aux épisodes honteux de la prison d’Abu Ghraib. On pense aussi à tous ces soldats qui reviennent meurtris des combats et qui parfois sombrent dans la folie. Et pendant ce temps-là, la jeunesse occidentale, cette jeunesse blessée, brûle ses ailes : sexe, drogue et rock and roll.
Et dans le trou de mon cœur, le monde entier est née d’une commande de Bruno Bonjean. Cette pièce est une véritable matière à jeu pour les comédiens, quasi tous présents sur scène du début à la fin pour figurer la foule, les passants, les rumeurs de la ville. Le texte très rythmé épouse parfaitement le langage des jeunes et voyage entre ruptures de tons, farce et tragédie. Le bon de l’homme ne provient-il pas de quelque malheur ? « Comme si dans le trou de mon cœur tombait le monde entier. » Du très bon Cotton au goût amer, presqu’écœurant et pourtant plein d’espoir !
Stanislas COTTON, Et dans le trou de mon coeur, le monde entier, Carnières, Lansman, 2015, 82 p., 12€