Audrey CHÈVREFEUILLE
Ils s’appellent Osbert, Smiley, Minou, Ducker ou Ursus. Chien, chat, moineau, ours en peluche : ils vivent tous auprès de nous, humains de compagnie. Nous les imaginons dépendants de nous, dénués de pensée, passifs, ces animaux de compagnie. Et si la réalité était tout autre ?
Osbert, octodon domestique, vit dans un charmant appartement bruxellois aux côtés de ses maîtres. Son espace est supposé être confiné à cette cage confortablement installée. Mais ce rusé rongeur a très tôt découvert comment se promener librement dans tout l’habitat sans jamais se faire prendre. Et dire que ses maîtres pensent tout régenter dans sa vie ! Alors il s’amuse : il simule une attaque pour obtenir plus de caresses ou autres attentions, il manipule la maîtresse pour rendre jaloux le mâle. Car il suffit d’un regard triste savamment travaillé, d’un geste charmeur pour qu’elle tombe dans le panneau. Et les gâteries affluent.
Pour Smiley, courageux bouledogue anglais, c’est autre chose. Depuis quinze ans déjà, il est au service de sa Gracieuse Majesté. Sa dernière mission pour le MI7, le plus secret des services secrets, avant une retraite bien méritée semble compromise mais c’est sans compter sur son incroyable capacité à retomber sur ses pattes. Heureusement d’ailleurs car il ne peut en aucun cas compter sur son chauffeur et garde du corps d’humain !
Et ce moineau du café des Deux Magots qui observe les touristes d’un œil expert ? Et Minou, chat fugueur qui ne supportait plus ses maîtres métaleux ? Autre chose que Gandalf, ce chat d’intérieur épouvanté à l’idée de devoir quitter cette Terre en laissant la petite Émilie seule avec son terrible chagrin. Tous observent notre monde avec un regard différent et original, tantôt tendre et tantôt persifleur.
Christopher Gérard se glisse l’espace de quelques nouvelles dans la peau de nos compagnons préférés. Il leur offre ses pages comme échos à leurs pensées. Ces huit historiettes se suivent et on les croit indépendantes quand tout à coup on croise au détour d’un paragraphe un animal rencontré quelques pages plus tôt. Dans un style aussi tendre que précis, l’auteur nous emporte dans cette aventure loufoque et surréaliste. Le ton, le point de vue original, l’humour, la plume sont un régal pour le lecteur. Nul doute que les amoureux des bêtes s’y retrouveront. Peut-être même, dans l’intimité d’un instant où l’on se croit seul, se sont-ils déjà risqués à l’exercice : donner une voix à leur petit compagnon.
Christopher GÉRARD, Osbert & autres historiettes, Lausanne, L’Âge d’Homme, 2014, 105 p., 10€