Jean-Pierre BURGART, Gris lumière, Bruxelles, La lettre volée, 2014, 56 p.
Ce recueil se lit comme un journal poétique qui traduit dans une langue simple et précise des fragments de réalité perçus par le biais d’une sensation, d’un paysage, d’un instant de la vie quotidienne. Comme un peintre, l’auteur compose des poèmes-tableaux sur une ville traversée, une ambiance, un sentiment disparu, un souvenir qui n’a peut-être jamais existé, le temps de l’enfance. Le mot et l’image se confondent et s’entrecroisent dans la langue du poète qui les mélange.
Il n’est pas de mot qui déjà ne soit image, faite d’images et de mots ; il n’est pas de songe qui ne murmure un récit.
Au fil de la lecture, les images surgissent aisément et plongent le lecteur dans un monde à la fois personnel et compréhensible. Les mots sont une matière qui se transforme en permanence. Comme le titre l’indique, les couleurs sont omniprésentes et se révèlent par des reflets, des miroitements, des jeux d’ombres et de lumière. La palette est large, du gris au blanc, du violet au bleu écaillé en passant par les traditionnelles couleurs de l’automne.
Le monde, les choses, sont-ils autant de mirages en suspens dans des ténèbres aériennes, ou d’impensables masses, occultées par une lumière blanche qui s’y brise et rejaillit en poussière irisée ? Je ne verrai rien si je n’imaginais pas ce que je vois
Plusieurs fois, l’auteur évoque la présence d’un sosie qui l’observerait. Les mots sont des tentatives pour capter des moments déjà devenus inexistants dans la réalité. A travers un miroir, l’autre apparaît, existe. Comme des poupées russes, il y a toujours autre chose dans ce que l’on voit. Et chaque nouvelle couche de réalité perçue suggère un monde nouveau à explorer.
Ce personnage double, ce rêveur lucide qu’un train emporte à la vitesse du rêve dans l’immobilité du sommeil, c’est moi, écrivant, et rêvant les yeux ouverts que je rêve debout à la fenêtre du couloir
Les thèmes de la mort et du temps qui passe évoquent avec justesse l’état du poète sentant la vieillesse frapper à sa porte. Ce livre est également marquant par la volonté du poète de coucher sur papier l’importance de l’acte d’écrire, et de libérer son souffle, plus puissant que jamais.
j’écris, pour que la blancheur irrévocable
qui ajoure et cerne les mots saisis par l’encre
se souvienne du souffle qui les assemble
en les mêlant à l’air qui me traverse.
Mélanie GODIN