Archives par étiquette : Mélanie Godin

Retrouvailles avec une famille commune

Un coup de cœur du Carnet

Olivia MOLNAR et Aldwin RAOUL, Atlas des plantes de mauvaise vie, Hélice Hélas, 2023, 72 p., 24 €, ISBN : 9782940700264

molnar atlas des plantes de mauvaise vieL’Atlas des plantes de mauvaise vie est présenté comme un « herbier de l’infra-ordinaire » en écho au travail de Georges Perec. 31 plantes vernaculaires s’y déploient, ayant en commun la  particularité de grandir à l’état sauvage dans les rues de Bruxelles, mais aussi partout dans les villes du Nord de l’Europe. Elles sur-vivent entre les pavés, dans les anfractuosités des trottoirs, sous le béton qui, banalement, nous encercle de toute part. En prenant le temps de s’arrêter sur leurs existences, les artistes Olivia Mornar et Aldwin Raoul s’attèlent à montrer la richesse du lexique dans lequel les plantes apparaissent. Cette richesse est un tremplin pour activer notre imaginaire végétal, et rappeler à notre mémoire les mythes, les histoires et les légendes que les plantes véhiculent. À chaque plante est reliée une recherche minutieuse dans des grimoires, des livres savants et autres trésors les consignant, les protégeant. On y redécouvre que les plantes ne sont pas seulement de mauvaises herbes insignifiantes et invisibles. Elles sont surtout des « compagnonnes discrètes » de l’humanité. Majoritaires sur la planète et il est plus que temps d’en parler, de leur accorder de l’attention et du soin, pour voir le monde autrement, pour déplacer et transformer notre rapport à la ville, à la nature, à l’humanité. Continuer la lecture

Les Prix SACD et Scam 2022

Les comités belges de la SACD et la SCAM ont décerné leurs prix 2022 ce 21 avril. Ils honorent auteurs et autrices membres de ces sociétés pour leur travail dans différents champs de la création artistique. Continuer la lecture

Deux poignées de poèmes

Pierre CORAN & Carl NORAC, Une seconde, papillon !, Rue du monde, coll. « Une poignée de poèmes », 2022, 36 p., 9,50 €, ISBN : 9782355046896
Françoise LISON-LEROY, Poèmes cueillis dans la forêt de vos yeux, Rue du monde, coll. « Une poignée de poèmes », 2022, 36 p., 9,50 €, ISBN : 9782355046902

coran et norac une seconde papillonDeux petits livres de poésie pour la jeunesse viennent de paraitre aux éditions Rue du monde. Le premier, Une seconde, papillon !, est écrit à quatre mains par deux poètes de la même famille, Pierre Coran et son fils Carl Norac. C’est un événement, puisqu’il s’agit pour eux d’une première expérience collective d’écriture partagée. Habités par une inspiration commune, ils captent la poésie dans chaque instant de la vie véritable et essentielle. Puissamment positifs, les poèmes évoquent le temps qui passe, le hasard, la réalité, l’enfance, le rêve. Au fil des pages, s’écrit un dialogue unique et poétique entre un père et son fils, une transmission de ce qu’il faut regarder intensément et rêveusement pour appréhender le visible : Continuer la lecture

De la « pEAUésie »

Poèmes de pluie. Une proposition de Mélanie Godin, CFC et Arbre de Diane, coll. « Regard sur la ville », 2019, 18 €, ISBN : 978-2-87572-046-7

Il est un cliché tenace, pourtant exact, à propos de la Belgique : il y pleut constamment. Mélanie Godin et son équipe en auront tiré parti, en proposant de la « pEAUésie » en plein cœur de Bruxelles.

De 2017 à 2019, Mélanie Godin a imaginé et coordonné des interventions artistiques dans Bruxelles, à la rencontre de ses habitants, invitant chacun à (ré)introduire de la poésie dans son quotidien.

Des poèmes, d’ici et d’ailleurs, écrits par des poètes reconnus ou lors d’ateliers d’écriture, ont été typographiés sur des pochoirs en carton et appliqués dans l’espace public, à l’aide d’une peinture uniquement visible au contact de l’eau. Indécelables jusqu’alors, les poèmes apparaissent comme par magie sous l’effet de la pluie ou de jets d’eau, à même un trottoir, sur une marche, un mur. Puis ils disparaissent à nouveau, dans l’attente d’un nouvel arroseur.  (Note de l’éditeur) Continuer la lecture

Et quand a-t-on su quelque chose d’essentiel ? Quand ?

Un coup de cœur du Carnet

Véronique DAINE, Amoureusement la gueule, illustré de six dessins d’Anne Marie Finné, Herbe qui tremble, 2019, 62 p., 13 €, ISBN : 978-2-918220-99-2

La collection « D’autre part » de L’herbe qui tremble dirigée par Thierry Horguelin qui donne à lire des textes inclassables accueille un nouveau recueil de la poétesse gaumaise Véronique Daine. En introduction, une phrase du poète hongrois Janos Pilinszky : “Combien tard nous comprenons que la pénombre des yeux peut être plus précise que la lumière d’une lampe”. Cette citation laisse entrevoir que sous les apparences, il y a un paysage intérieur vivant, taillé dans une écriture organique où deux mots s’opposent l’un à l’autre : la gueule et le visage. Dans une danse animale presque sauvage, les mots sont comme des pulsations sanguines. Un rythme de chasse scande la langue dans une succession de courts fragments de prose poétique qui cognent, martèlent, poussent, soufflent et pulsent. Continuer la lecture

La femme qui le lit comprend tout de suite de quoi il s’agit

Vinciane MOESCHLER, Trois incendies, Stock, 2019, 282 p., 19 € / ePub : 13.99 €, ISBN : 9782234086395

Moeschler trois incendiesTrois incendies est le portrait de famille de trois femmes à la fois fortes et sensibles, traversées dans leur quotidien par différentes guerres. Des guerres, à la fois proches et lointaines, incomparables et pourtant reliées par les mêmes atrocités et les mêmes douleurs. Trois voix, trois incendies, trois caractères qui ont leur vie propre, un rythme et une langue singuliers, qui se racontent l’une l’autre dans des chapitres courts, captivants et parfaitement agencés. Continuer la lecture

Petite fille imaginaire amphétaminée

podolski affiche

L’exposition consacrée à Sophie Podolski (1953-1974) au Wiels est la première de l’artiste en Belgique. Elle est centrée sur son œuvre graphique, entre 1968 et 1974, mais le dessin et l’écriture sont étroitement liés, l’écriture étant elle-même objet de recherche typographique. Toute l’œuvre de l’artiste est composée de symboles, de métaphores, de mythologie personnalisée. Trois salles se succèdent pour rendre compte de la richesse et de la frénésie créatrice qui l’animait. Continuer la lecture

Les mots de la tribu tholoméenne

Vincent THOLOMÉ, Kirkjubaejarklaustur suivi de The John Cage Experiences, Impressions nouvelles, coll. « Espace Nord », 2016, 321 p., 10 €    ISBN : 9782875680792

tholomeEspace Nord réunit pour la première fois deux textes majeurs du poète et performeur Vincent Tholomé, à savoir Kirkjubaejarklaustur suivi de The John Cage Experiences. Ce livre est également doté d’une postface indispensable de Jan Baetens, spécialiste de cet auteur et théoricien de la poésie orale actuelle et de ses rapports à l’écrit. Au fur et à mesure du récit, on découvre que les personnages s’appellent tous Sven, Harald, ou Thora. Que l’histoire est une succession de mini-récits, à la fois loufoques et décalés. De sorte qu’il s’agit plus d’une fable moderne sous forme de road-trip avec comme climax une fin de monde en soi : « Hé. Mais, les Sven. C’est par là. Nos corps. Pas par là. Fait lui. Harald. Tête en compote. Tandis que. Eux. Sven et Sven. Si dissolvent eux dans le brouillard. Perdus déjà. Au-delà de crêtes. Dans le monde blanc partant en couille ». Continuer la lecture

Athlète du cœur*

François MUIR, Toi l’égaré (Poèmes inédits), La lettre volée, 2015, 51 p., 14 €

muirNé à Uccle le 1er octobre 1955 sous le nom de Jean-François de Bodt, François Muir est, selon Marc Quaghebeur[1], « le poète le plus important de sa génération en Belgique ». Et pourtant, son œuvre demeure discrète et méconnue du grand public. Quelques auteurs partagent cette idée, et ne tarissent pas d’éloges à son sujet : le regretté Jacques Izoard, mais aussi Jack Keguenne, Frédéric Baal, Yves Namur ou encore Stéphane Lambert qui lui a d’ailleurs consacré un portrait poétique original[2]. F. Muir entretenait plusieurs correspondances avec des auteurs reconnus comme J.M. Coetzee qui disait au sujet de sa poésie qu’elle l’impressionnait par sa limpidité et sa clarté. Continuer la lecture

Plein de rêves

Éric LAMMERS, Une âme plus si noire. Lettres de prison, Bruxelles, Impressions nouvelles, 2016, 252 p., 17 €/ePub : 9.99 €

LettresCOUVUNEsiteAprès un recueil de nouvelles Une vie de… paru en 2015 (éditions Weyrich), nous retrouvons Éric Lammers, figure emblématique du grand banditisme belge, dans un montage de lettres envoyées depuis les prisons d’Andenne et de Verviers à l’écrivaine Caroline Lamarche de janvier 2001 à décembre 2002. Montage composé par cette dernière, les lettres choisies témoignent du pouvoir de l’écriture qui a transformé la vie de ce prisonnier condamné à la perpétuité. Elles révèlent ses doutes et ses peurs d’écrire des bêtises dans son projet ambitieux de devenir un véritable écrivain. Elles disent aussi les conditions de détention, la vie avec les autres détenus, les règles particulières qui régissent ce monde parallèle au nôtre. Continuer la lecture

Dans les veines coule la sève

Charline LAMBERT, Chanvre et Lierre, Le Taillis Pré, 2016, 68 p.

lambert chanvre et lierreCharline Lambert a reçu, entre autres, le prix Georges Lockem de l’Académie royale pour son premier recueil intitulé Chanvre et Lierre. Comme précisé par l’Académie, ce prix « est redoutable, parce qu’il consiste en un pari », un pari sur l’avenir. Est-ce le premier d’une longue série à venir ou un simple coup d’éclat ? Seul l’avenir le dira. En attendant, cette jeune poète n’a pas froid aux yeux en proposant d’aborder avec fraicheur et une maitrise singulière l’histoire de L’Odyssée, un des poèmes fondateurs de notre civilisation européenne. Continuer la lecture

L’étrangère

Edith SOONCKINDT, La femme défaite, Éléments de langage, 2015, 123 p.

soonckindtEdith Soonckindt est une femme dynamique aux multiples passions. À la fois auteure, traductrice, éditrice et bloggeuse, son nouveau livre, La femme défaite, est un roman dialogué entre un homme et une femme, paru aux éditions Eléments de langage. Qualifié d’Olni (objet littéraire non identifié), cette jeune maison d’édition belge a été créée par Nicolas Chieusse pour mettre à l’honneur des textes souvent considérés comme plus difficiles d’accès, se destinant à un lectorat désireux de découvrir des univers non formatés, une forme de littérature laissant place à une imagination sans bornes. Continuer la lecture

« L’art ne rend pas le visible, il rend visible »*

Rose-Marie FRANÇOIS, Trèfle incarnat, Le Cormier, 52 p., 2014

Dans ce recueil, Rose-Marie François propose l’exercice d’imagination suivant : écrire 40 poèmes de 17 vers à partir de peintures de Francis Bacon et de Paul Klee. On commence par Bacon et son tableau L’homme au chien. Elle écrit : « Surtout, loin de Magritte, / ne va pas te fondre au tableau. / Tiens le mauve à distance, / à l’horizon de l’oeuvre. / Il nous suffit de fixer la faille, / le peu d’humain / par où entre et sort l’empathie ». Continuer la lecture

Je revois le fracas des vagues sur le rocher°

Claude DONNAY, Ressac, Editions M.E.O., 2016, 55 p.

Pour ceux qui connaissent Claude Donnay, ils s’accorderont à dire qu’il fait partie de ces auteurs qui écrivent partout et tout le temps. Ayant une dizaine de publications à son actif, essentiellement parues aux éditions de l’Arbre à Paroles, il écrit et publie de la poésie, mais il s’adonne aussi à la composition de nouvelles et travaille actuellement à un roman. Toujours actif en tant que professeur de français à Ciney, il est également revuiste et éditeur pour Bleu d’Encre. Continuer la lecture

Labeurs

Harry SZPILMANN, Les rudérales, Bruxelles, Le Cormier, 2015, 85 p.

szpilmannQue signifie le mot « livre » ? À cette interrogation partagée par tous ceux qui s’intéressent aux mots, le nouveau livre de Szpilmann égrène plusieurs réponses. La première apparaît dès la deuxième page, comme dans un dictionnaire : « Livre : creuset, claque-nerfs, noir almanach. Dépositaire de l’errance abrasive, des déserts au crochet, du sans-fond. » Continuer la lecture

Le vol du chaman

Olivier DOMBRET, Notre mère la montagne, L’Arbre à paroles, coll. « IF », 2015, 81 p.

Le nouveau livre de l’excellent jeune auteur Olivier Dombret emprunte son titre à un album du musicien américain de country et folk Townes Van Zandt sorti en 1969, Notre mère la montagne. Tout commence par la description de son état, tremblant et fiévreux, dans l’attente d’un signe en provenance de la Montagne. Prisonnier, encerclé, oppressé dans la ville creuse tel « un animal vide, dans les profondeurs d’une planète vide » il appelle cette force naturelle, bien décidé à laisser derrière lui le monde moderne : Continuer la lecture