Verhaeren portraituré

Verhaeren – Bernier. Portretten – Portraits, textes de Gil Amand, Els De Smedt et Rik Hemmerijckx, Emile Verhaerenmuseum Sint-Amands et Commune de Honnelles, 2016, 80 p.

verhaeren-bernierPoète internationalement renommé, Émile Verhaeren était aussi grand connaisseur en matière de peinture. En témoignèrent notamment l’exposition « Verhaeren critique d’art » au Musée d’Orsay (Paris) en 1997, puis au Musée Charlier (Bruxelles). Ou, plus récemment, « Émile Verhaeren (1855-1916), Poète et Passeur d’Art », au Musée des Avelines de Saint-Cloud. Or, cette passion de l’écrivain lui a valu un juste retour : plusieurs artistes ont fait des portraits de lui, certains étant considérés comme des chefs-d’œuvre.

Le plus connu n’est pas Charles Bernier, un graveur-photographe pourtant talentueux domicilié à Angre, hameau hennuyer aujourd’hui rattaché à Honnelles ; c’est là que se trouve le lieudit « Le Caillou-qui-bique », où Verhaeren et sa femme firent de longs séjours à partir du printemps 1899 et rencontrèrent le jeune artiste. S’ensuivit une belle série de portraits, généralement des eaux-fortes réalisées à partir d’un dessin au crayon, d’une photo ou même d’une œuvre préexistante, tels un buste de Charles Van der Stappen ou un croquis de Constant Montald. Une riche sélection de ces gravures était exposée en mars-avril au Musée Émile Verhaeren de Sint-Amands, en collaboration avec la commune d’Honnelles, accompagnée d’un catalogue bilingue de haute tenue.

Charles Bernier est un artisan soigneux, non un grand imaginatif. Il se plie avant tout à la règle fondamentale du portraitiste, la ressemblance de l’image au modèle, mais se soucie également de l’expressivité : position du corps, orientation de la tête, direction du regard, éclairage, fond clair ou sombre. S’il ne cherche jamais à élaborer une représentation romantique ou visionnaire, il tente visiblement de dépasser l’académisme pour exprimer quelque chose de la « vérité » intérieure du personnage. Ainsi l’une de ses plus belles gravures, datée de 1904 et dédicacée « À mon ami Verhaeren », montre-t-elle l’écrivain de trois quarts face sur fond noir, le regard en coin, le front ridé, comme habité par une muette inquiétude. Quant aux motivations personnelles de Bernier tout au long de ces années, elles tiennent d’abord à son admiration pour le grand poète, laquelle au fil des rencontres s’est transformée en amitié réciproque, non sans lien avec le souci bien compréhensible de la carrière puisque le premier devint peu à peu le portraitiste attitré du second. Sur tous ces aspects, le catalogue de l’exposition fournit des informations abondantes et détaillées, dont le discours d’hommage à Bernier prononcé à Angre le 9 aout 1908 par Verhaeren, une liste commentée des œuvres exposées, mais aussi de nombreuses reproductions en couleur.

Daniel LAROCHE