Éric DEJAEGER, Le petit Jésus et la vie sexuelle des poètes, Cactus Inébranlable éditions, 2016, 131 p., 15€
Après Courts, toujours ! paru en 2015 également chez Cactus Inébranlable éditions, Dejaeger s’étend davantage dans ce recueil de nouvelles aussi drôle que dérangeant. Pas de quoi craindre les longueurs lassantes pour autant. Si vous cherchez une brique pour vous occuper sur le transat durant vos deux semaines au bord de la piscine, passez votre chemin ! On est dans le récit bref, les nouvelles courtes. C’est rapide, et intense.
Car c’est bien là la force de Dejaeger : en quelques lignes, il va au but, sans détours inutiles, et touche juste. L’efficacité sans ronds de jambe. S’il s’était montré vif dans Courts, toujours !, il n’en est pas moins piquant dans Le petit Jésus et la vie sexuelle des poètes (titre du recueil et de l’une des nouvelles qui le compose). Mais cette fois, il prend le temps – pour quelques paragraphes, pas plus, c’est promis – d’endormir notre méfiance. Avec quelques formules bien écrites, sympathiques, charmantes, il plante un décor classique d’une histoire classique et amadoue le lecteur. Il tourne autour de l’objectif juste assez longtemps pour le rassurer et lui laisser le temps de s’installer confortablement dans son fauteuil. Il endort sa méfiance, le met à sa merci et, quand le naïf se croit en sécurité : paf ! Il suffit de deux phrases assassines pour bousculer tous les codes, les convenances, les certitudes et déboussoler le malheureux. Qui en redemande ! Car à la page suivante, le même piège se tend, et il y retombe de plus belle. Pour son plus grand bonheur.
Si l’on est habitué à lire un ouvrage, quelle que soit sa forme, pour l’intrigue, on est ici bien décontenancé. Faut-il s’interroger sur la manière dont se déroule l’histoire ? Le style utilisé pour raconter une tranche de vie, une péripétie, une historiette ? Si la technique est maitrisée et les pages agréables à lire, ce n’est pas là l’intérêt de ce recueil de nouvelles. C’est plutôt le don d’hypnotiseur de l’auteur que l’on remarque et admire. Vingt fois on sait le dispositif mis en place, vingt fois on trébuche et se fait surprendre. Car avec Dejaeger, les règles du jeu sont connues d’avance. Ce qui ne l’empêche pas de gagner à chaque partie. Et en bon perdant, on rit, on s’étonne, on s’amuse. Et on en redemande, certain pourtant de l’issue de la prochaine manche. Et c’est heureux.
Audrey CHÈVREFEUILLE