Claude RAUCY, Où es-tu, Yazid ?, Ker, 2016, 88 p., 8 €, ISBN : 978-2-87586-143-6
C’est dans la cabane du jardin qu’Eliott a trouvé Yazid. Un adolescent comme lui, en sweat-shirt à capuche, mais au parcours quelque peu différent. À la télévision, Eliott en avait bien entendu parler, de ces jeunes partis en Syrie. C’est de là qu’est revenu Yazid, pour aller se cacher dans le premier refuge trouvé. Et alors que la question de la dénonciation pourrait se poser, Eliott commence par lui offrir de l’eau.
Immédiatement, les préoccupations quotidiennes d’Eliott semblent moins importantes. Les soucis de ses amis deviennent futiles. Alors qu’autour de lui le débat sur les attentats, les islamistes et les immigrés fait rage, que doit-il penser ? Que doit-il faire ? En attendant, il ne dit rien. Il continue à apporter à manger dans la petite cabane au fond du jardin.
À vrai dire, Eliott est peut-être plus proche de Yazid qu’il ne le sait. Dans sa famille à lui, on ne fête pas les anniversaires, on ne se fait pas la bise. On préfère prêcher la parole de Jéhovah de porte en porte. Et cette mainmise d’une religion obscure sur sa vie familiale, Eliott la supporte de moins en moins.
Dans ce court roman, Claude Raucy traite d’un sujet d’actualité brûlant et qui préoccupe, à juste titre, beaucoup de jeunes, celui du terrorisme et des jeunes revenus de Syrie. En traitant l’histoire à travers un personnage lui-même issu d’un milieu religieux extrême, il évite le jugement hâtif et encourage la réflexion. Il ne répond pas aux questions mais incite à s’en poser de nouvelles.
Ker est un éditeur qui favorise l’exploitation scolaire de ses publications jeunesse en proposant aux professeurs de français des dossiers pédagogiques liés à ses romans. C’est le cas pour Où es-tu, Yazid ? qui permettra d’aborder avec les adolescents un sujet délicat mais qu’il serait néfaste d’éviter, tant il s’impose de manière anxiogène. Pour autant, ce roman ne saurait être réduit à un « livre à thème ». La sensibilité et les qualités d’écriture de Claude Raucy le font dépasser cet aspect. À travers cette rencontre de deux ados perdus, l’auteur parle aussi, tout simplement, de tout ce qui tourmente à l’âge de quinze ans, de la naissance de certains questionnements, de la prise de conscience citoyenne, de la révolte face à une religion (et pas uniquement musulmane) qui enferme. Des sujets tout simplement inévitables et à propos desquels la réflexion et la discussion sont indispensables.
Fanny Deschamps