Béatrix Beck au cinéma

la confessionCe mercredi 8 mars sort sur grand écran La confession, adaptation cinématographique du roman de Béatrix Beck, Léon Morin, prêtre. Paru en 1952 chez Gallimard, ce livre avait valu à son auteure le Prix Goncourt.

La confession est un film du réalisateur français Nicolas Boukhrief, mettant notamment en scène Romain Duris et Marine Vacth.

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Le roman de Béatrix Beck avait déjà connu une première adaptation, en 1961, signée Jean-Pierre Melville. Les deux rôles principaux étaient alors tenus par Jean-Paul Belmondo et Emmanuèle Riva. Le film de Nicolas Boukhrief n’est pas un remake de ce film, mais une nouvelle adaptation du roman.

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Nicolas Boukhrief : adapter Béatrix Beck

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Dans le dossier de presse du film, le réalisateur revient sur sa conception de l’adaptation.

Vous avez pris énormément de liberté par rapport au livre …

Oui : « La Confession » n’est absolument pas une adaptation littérale mais bien écrite d’après le livre de Béatrix Beck. Elle l’a rédigé quelques années après la guerre, à une époque où les Français avaient encore une mémoire très fraîche de ces événements et étaient, dans leur grande majorité, catholiques pratiquants, ou en tous cas, très au fait de cette religion. Il aurait été impossible de reprendre certains passages sans courir le risque d’être incompris des spectateurs. Un exemple : dans le roman, le livre que Léon Morin prête à Barny est un exemplaire de « Vie de Jésus », d’Ernest Renan, une biographie du Christ que les Catholiques dévoraient alors comme un best-seller. Les deux personnages le commentent ensuite très précisément. Mais qui connait encore cet ouvrage aujourd’hui, surtout dans les nouvelles générations ? Il fallait absolument repenser et traduire certains éléments, puiser dans certaines des anecdotes dont fourmille le livre, en laisser d’autres de côté, synthétiser certains personnages… Autant de petits détails qui n’ont l’air de rien mais qui font que le film devient vraiment une libre adaptation.

Loin d’être un détail, dans le film, Barny, l’héroïne, n’est plus veuve…

C’était très important pour moi. Sa position de veuve me semblait déséquilibrer le rapport de force qu’elle entretient avec Léon Morin : Barny devient disponible alors que lui est lié par ses vœux. A partir du moment où je décide que son mari est prisonnier en Allemagne, elle se trouve elle aussi liée par son engagement – les communistes d’alors étaient très stricts sur ces questions – et l’un et l’autre se retrouvent à égalité devant l’interdit. Outre que je trouve cela plus féministe, cela rend leur rencontre plus tendue, plus spirituelle. Et puis, je ne voulais en aucun cas que le film tourne autour de la question du célibat des prêtres, qui est un thème très sociétal et très éloigné de ce qui me passionnait dans l’œuvre de Beck.

Pourquoi avoir choisi de faire se dérouler le film durant les deux derniers mois de la guerre et non plus sur six ans ?

C’était plus intéressant en termes d’énergie et de tension. A partir du moment où j’enlevais quasiment toute voix off (le livre est à la première personne), il me semblait que l’histoire devait se concentrer dans une période brève et de transition très rapide ; entre la fin de la guerre, l’année des pires exactions des Allemands, et la Libération.

La voix-off est remplacée par les flash-backs que vous introduisez avec la confession de Barny au jeune prêtre sur son lit de mort…

Comment intéresser le public d’aujourd’hui avec une histoire qui se déroule en 1944 ? Cette partie contemporaine permet de relier le passé au présent et nous prouve que l’histoire racontée n’est pas si ancienne, qu’elle nous concerne aussi. J’ai repensé en fait à beaucoup de films historiques plus ou moins récents qui, en procédant de cette logique, avaient su me toucher fortement – « Little Big Man », d’Arthur Penn, « Sur la route de Madison », de Clint Eastwood, et bien sûr « Titanic », de James Cameron. Mais ce n’est pas la seule raison : les flash-backs me permettaient également d’établir une sorte de passage de relais entre Barny âgée et ce jeune prêtre. Et donc d’élargir mon propos.

N’avez-vous jamais songé à transposer l’histoire de nos jours ?

Jamais. « Léon Morin prêtre » se déroule en 1944 où les hommes sont soit des soldats allemands, à priori intouchables sous peine de devenir collabo, soit prisonniers, soit dans le maquis. Sur quelle période de l’histoire est-il possible de créer une situation où il n’y ait pas d’hommes et où l’arrivée d’un jeune prêtre suscite l’engouement de toutes les femmes d’une petite ville ? Dans un pays oriental, peut-être, mais cela devenait autre chose.

C’est la première fois que vous signez seul le scénario d’un de vos films, depuis votre tout premier…

Et la première fois que j’adapte un livre. Mais je n’étais pas seul, j’étais avec Béatrix Beck. La matière de son livre est tellement intelligente, tellement dense, tellement sensible et tellement féminine que je n’avais pas besoin de chercher un ou une complice d’écriture. Et comme son roman est en grande partie autobiographique, le « fantôme » du vrai Léon Morin n’était pas très loin non plus… Dans le même ordre d’idées, en découvrant que la petite-fille de Béatrice Beck, qui nous a autorisés à acheter les droits, était styliste, je lui ai demandé de dessiner et faire fabriquer le manteau que porte Barny tout au long du film. Béatrice Szapiro a ainsi contribué à la ligne graphique de l’actrice qui incarne sa grand-mère qu’elle a très bien connue jusqu’à sa disparition en 2008 et avec laquelle elle entretenait une grande complicité. Une manière de lui rendre hommage.

Parlez-nous de l’écriture …

Impossible de retranscrire tels quels des dialogues entiers du livre. Je devais adapter avec ma propre dialectique une conversation entamée par l’auteur et ce prêtre il y a plus de cinquante ans, et réussir à prolonger leur échange. Il y avait quelque chose d’assez romantique dans la démarche : c’est émouvant de continuer à faire vivre autrement une histoire qui a réellement existé. Très inspirant. Dans « Léon Morin, prêtre », on est au cœur de quelque chose qui nous touche tous : croire ou ne pas croire ? Cela ouvre des pages et des pages de dialogues. Comment définir le diable si je dois me mettre dans la peau d’un prêtre à l’esprit très ouvert ; le mal si je suis dans celle d’une communiste ? Ma première version du scénario faisait deux cent soixante-dix pages.

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