Le pardon en question

Éric-Emmanuel SCHMITTLa vengeance du pardon, Albin Michel, 2017, 326 p., 21.50€/ePub : 14.99 €, ISBN : 9782226399199

schmitt la vengeance du pardonAuteur de romans, pièces de théâtre, essais, c’est avec un recueil de nouvelles qu’Éric-Emmanuel Schmitt nous invite à la réflexion à l’occasion de cette rentrée littéraire. Quatre nouvelles, quatre occasions de pardonner.

Les sœurs Barbarin sont jumelles et s’adorent jusqu’au jour où leurs parents leur offrent un cadeau différent à chacune. Lily, d’humeur toujours aimable, se satisfait de cette situation. Mais pour Moïsette, c’est la révélation : quelles que soient les circonstances, elle sera à tout jamais jalouse de ce qu’elle n’a pas, plus encore de ce que sa sœur a. C’est le début d’un pardon indubitable et d’une rancune éternelle qui mènera Moïsette à de terribles extrêmes.

Pour un pari entre copains, William séduit la débile du village de montagne où ils résident pour les vacances. Un fils nait, que le jeune homme oublie rapidement pour mieux faire face à la belle vie de riche héritier qui se profile devant lui. Mais les circonstances de la vie ramènent James, ce fils repoussé, au centre de ses préoccupations. Le jour où William découvre que son propre fils s’est rendu coupable d’une gigantesque escroquerie financière, c’est toutes ses convictions qui se trouvent remises en question. « Jeune, on voudrait que son père soit un héros. Vieux, on voudrait que son fils en soit un. Au fond, on n’accepte jamais ses proches tels qu’ils sont ».

Les proches d’Élise sont très inquiets. Inquiets de cet entêtement à vouloir rencontrer encore et encore l’assassin de sa fille. Cet être abject qui a traqué, violé et tué de sang froid. Mais elle ne peut pas s’en empêcher, elle doit comprendre. Comprendre pour mieux pardonner. Pardonner pour pouvoir revivre. Ou se venger ?

Après nous avoir fait vibrer et douter, l’auteur nous emporte dans une histoire d’apparence plus légère avec Dessine-moi un avion. Un vieil aviateur rencontre Daphné, la petite voisine de huit ans. À travers leur passion commune pour Saint-Exupéry, une véritable amitié se crée en même temps qu’une improbable culpabilité nait.

– Je ne suis pas fier de moi en ce moment. (…) J’ai fait quelque chose de mal, autrefois. (…) Je n’arrive pas à me pardonner.
– Que tu es bête ! (…) Quelque chose, ce n’est pas quelqu’un.

Schmitt nous propose quatre nouvelles très différentes aussi bien par leur ton que par leur histoire. Un élément pourtant les lie : le pouvoir du pardon et ses conséquences. Un thème intéressant et une réflexion qui l’est tout autant. Les fans seront ravis, les nouveaux lecteurs devraient être séduits.

Philosophe et génie de la fiction, Éric-Emmanuel Schmitt a pris l’habitude d’embarquer son public dans des histoires efficaces et intellectuellement stimulantes. Car au-delà du plaisir de la lecture, il y a une idée qui se dessine, une pensée qui fait son chemin en chacun de nous. Excellent narrateur, c’est sans doute dans les nouvelles que l’auteur exprime le mieux son art. Il nous entraine dans des aventures que l’on aimera forcément avant de faire voler en éclats nos certitudes. Schmitt fait de la philosophie accessible, sans enlever ses lettres de noblesse à la littérature.

Audrey Chèvrefeuille