Variations en « je », modulations du « nous »

Dominique COSTERMANS, En love mineur, Quadrature, 2017, 118 p., 15 € / ePub : 9.99 €, ISBN 9782930538785

costermans en love mineurDans le champ de la nouvelle, Dominique Costermans lâche de jolis textes comme des petits cailloux sur le chemin de la vie. Les dix-sept récits de son nouveau recueil, En love mineur, récemment paru chez Quadrature, sont autant de moments de prose, de séquences de poésie, d’instantanés romanesques qui fixent du vibrant. Ce vibrato, entre la vie et l’art, qui cristallise ce qu’on appelle « le sel de la vie ». Dans ces récits brefs, l’auteure livre des textes au ras du quotidien et poudroie de poésie la vie dans ses surprises, sa fugacité, ses surgissements, ses étonnantes synchronicités.

Il est question d’espoir formulé à l’anglaise, d’un repas mitonné pour un homme, de pèlerinage portugais, de prémices amoureuses, de cadeau de la Mamma Roma, d’histoire de papier fragile, adoré, chiffonné, de voyages en train au Pays Noir, des terres grecques arpentées les orteils en éventail, de papier avion, d’un trajet en voiture avec une femme qui dit « les choses de la vie avec simplicité », d’un voyage cérémonial, d’éclats de vie à la fête des morts, de petits papillons, de souvenirs façon Instagram, de perles qui se sèment, d’instants suspendus dans les jardin du Pincio, de rencontres qui se créent, progressent et déraillent pour que chacun suive sa voie. Les nouvelles de ce recueil tissent un étonnant kaléidoscope où se devinent envie, illusion, désir, sensibilité, fierté, désillusion, tendresse, autant de facettes de cette composition complexe qu’est l’amour… dans ses modulations majeures et mineures.

Par un « je » qui raconte, ces brèves fictions sont des récits adressés à nous. La capture des petits riens de la vie ordinaire, cette fixation du fugitif, le recours au déictique qui fait d’une scène un moment unique, l’instantané tourné vers la sensation, l’intime de l’instance narrative, « l’extime », intègrent le lecteur, avec délicate ironie, humour léger et tendresse.

Costermans, via une trame narrative ramassée, offre une profondeur de champ à ces instants capturés. Elle se concentre, par une écriture fraîche et rythmée, sur quelques éléments qui lui tiennent à cœur –  des lieux, des personnages, des tableaux – et puise avec efficacité dans la fonction poétique de la langue. Sous sa plume, certains « franchissent l’Atlantique à l’amour », vivent « d’amour, de salades et de pizzas maison », ou rougissent d’un « je t’envie, je t’en veux, je t’envieux », des reprises anaphoriques – comme « L’homme à qui j’ai fait à manger » –, des jeux de mots, des dérivations par assonance ou analogie, des lectures à rebours de phrases toutes faites ou de dictons ; son style ciselé témoigne d’opérations sur le signifiant qui participent d’une musique aux tonalités douces. Une pièce En love mineur qui joue sur les variations mais dont chaque composition se termine sur ce point d’orgue susurré au lecteur : « C’est la vie ».