De l’art de s’effacer

Françoise PIRART, Seuls les échos de nos pas, Luce Wilquin, 2018, 208 p., 19€, ISBN : 978-2-88253-547-4

Disparaître sans laisser de traces est sans doute un art aussi subtil que celui du crime parfait. Les deux réclament une méticulosité à toute épreuve et surtout une discrétion absolue.

Cela fait plusieurs jours que Coline, une jeune femme à qui la vie semble sourire, ne donne plus signe de vie. Peu à peu, ses proches s’inquiètent, communiquent entre eux, se mobilisent. La police, alertée, retrouve sa voiture et quelques indices, mais rien qui puisse justifier vraiment un début d’enquête. Alors que les recherches s’enlisent, Anaïs, sa grande amie, et Gilles, frère de Coline, décident de se mobiliser. Ils remuent ciel et terre pour dénouer le mystère.

Tout d’abord en interrogeant la famille et les proches, puis en traînant dans les bars, une photo à la main. Mais à chaque fois, les portes entrouvertes se referment. Au fil de leur enquête, des faits qui leur étaient inconnus se dévoilent, comme la relation ambiguë que le père d’Anaïs a entretenue avec Coline, laissant croire qu’il en était l’amant. De quoi faire remonter les rancœurs anciennes contre ce paternel artiste aux manières de beau ténébreux et aux responsabilités esquivées. De quoi aussi ranimer les souvenirs d’enfance et d’adolescence et surtout les jalousies que Coline, celle qui réussissait tout et dont la beauté captivait, attisait auprès de ses comparses. Comment croire, comme le prétendent certains, qu’elle s’est convertie à l’Islam et a été emportée par le radicalisme ?

Ne pouvant se résoudre à l’immobilisme, Gilles et Anaïs parviennent à arracher des bribes d’informations à l’artiste peintre déjà visité, qui leur parlait de château en Espagne en faisant référence à un thème présent dans plusieurs de ses tableaux, comme on indiquerait une vague direction. Visiblement, il a reçu les confidences de Coline, mais il n’en dira pas plus. Gilles et Anaïs prennent la route du Sud, s’arrêtent sur l’aire d’autoroute où a été retrouvée la voiture de Coline et franchissent la frontière espagnole, munis de photos des tableaux qu’ils présentent au gré de leurs haltes. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin …. Et pourtant, ils en apprendront plus sur la fuite de Coline et l’endroit où elle s’est cachée, sans néanmoins la retrouver, ni percer totalement son mystère qu’elle s’est bien gardée de leur livrer.

Mené au rythme d’une enquête et centré sur la vie intime de ses personnages, ce récit à plusieurs voix amène ceux qui se démènent pour retrouver Coline à se repositionner dans leur propre vie, à en reconsidérer les choix fondateurs et à apprivoiser peu à peu la perspective que la disparition de leur proche pourrait n’être pas le résultat d’un coup de tête.

Thierry Detienne