Michelle FOUREZ, Elisabeth, en hiver, Luce Wilquin, coll. « Sméraldine », 2018, 114 p., 12 €, ISBN : 978-2-88253-545-0
Depuis quelques romans déjà (Une famille, Adrienne ne m’a pas écrit…), Michelle Fourez semble s’être donné une ligne d’écriture (comme on dit une ligne de conduite) : explorer la psyché, le quotidien, les humeurs, les relations des femmes qui ont pour compagne la solitude. Des femmes, seules peut-être, seules mais pas exclusivement ; des femmes du côté de la vie. Sans se cacher de ses ratages, de ses douleurs et de ses duretés.
Elle s’appelle Elisabeth. Le nombre des années ne semble pas avoir de prise sur elle ni sur ses extravagances. Elle peut chanter à tue-tête dans les rues ou dans une galerie historique du centre de Bruxelles, sa ville chérie, une rose dans le décolleté. Elle apparaît comme elle disparaît. Et les matins difficiles, elle peut filer patiner sur la glace artificielle des Plaisirs d’hiver…
Elisabeth a été mariée à Pierre. Il est resté, malgré la séparation et d’autres hommes (dont Paul, rencontré à une conférence de J. M. G. Le Clézio), l’amour de sa vie. Avant de divorcer, ils ont eu deux enfants. Un garçon, une fille. Alexis, Soledad. Tout deux partis vivre à des milliers de kilomètres et y fonder famille. L’un au Canada, l’autre au Vietnam. Pour mettre de la distance entre eux et leur mère la fantasque, la très (trop ?) présente ?
Dans quelques jours c’est Noël. Alexis et Soledad sont attendus avec leur famille. L’anglais va être de mise, ce qui ne plaît pas toujours à Elisabeth, qui se sent ancrée dans la langue française ainsi que dans le picard, langue de son enfance. Pierre se joindra à eux pour le réveillon. Il apportera le vin, s’il n’oublie pas.
À ce moment-là, le roman change de voie, se décale. Non que nous allions assister à un règlement de compte familial implosif comme il y en a dans tant de films, de séries et de livres, même si comme le reconnaît l’auteure « Noël n’est jamais simple. Pour personne ». Mais l’écriture de Michelle Fourez est trop apaisée pour se répandre dans la fureur. Elle flirte davantage avec la retenue et la fantaisie légère qu’avec le drame et l’hystérie. La famille découvre que Pierre a la mémoire qui flanche et peut avoir des crises de violence. Il est atteint de la maladie d’Alzheimer et ne peut plus vivre seul. Il doit être placé dans une maison de santé. Il ne le supporte pas et souhaite mourir.
Ce neuvième roman, Michelle Fourez l’a écrit comme sur la pointe du cœur. Entre caresses et griffures. Elle nous immerge dans la profondeur des sentiments et de leurs dérèglements, nous invite à goûter le plaisir des nourritures terrestres et la beauté des fleurs. Elle oint du baume sur nos blessures. Intense, sobre, pudique, son écriture se maintient à la juste distance des événements, des souvenirs et de l’intimité. N’ayant l’air de rien, en une centaines de pages, Michelle Fourez nous dit la vie comme elle va, comme elle vient.
Michel Zumkir