Caroline LAMARCHE et Nathalie AMAND, Papier-collants, La pierre d’alun, coll. « La petite pierre », 2018, 64 p., 15 €, ISBN : 978-2-87429-107-4
Au nichon, pardon, au sein du politiquement incorrect, il y a l’érotisme. Un genre soi-disant désuet, à la fois confus et diffus, c’est-à-dire complexe et donc incompatible avec notre moderne époque des #MeToo et #BalanceTonPorc. Nous vivotons dans une période manichéenne où la pudibonderie et la pornographie échangent plus aisément sur les tournantes sodomites ou sur la théorie des genres plutôt que — trop simplement — sur les corps. Période de vaches maigres pour l’érotisme ? Mort aux vaches quand même !
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Jean Marchetti, galeriste du Salon d’art à Bruxelles, éditeur de La pierre d’alun depuis trente-cinq ans et « inventeur » de la collection La petite pierre, a dès lors pris le taureau par les cornes et mis toute son expérience et sa fantaisie pour que Caroline Lamarche et Nathalie Amand réalisent Papier-collants, avec un trait d’union intentionnel et, sur la couverture, une jambe de femme levée à la verticale comme un doigt majeur ceint d’un élégant bas-nylon telle une marinière.
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Vingt-cinq premiers exemplaires de tête, sous étui, signés et numérotés de 1 à 25 par les auteures sont accompagnés d’un collage original de Nathalie Amand. (Prix unitaire : 95 euros)
Le livre ressemble à un petit cahier d’écolier. Cependant, un sentiment de sophistication saute au regard et au toucher. La couverture, de la Carte de Lyon, très dure, adoucie de coins arrondis, tient les pages d’un grammage lourd, de teinte ivoire, grâce à une légère armature en spirale de métal noir. Ainsi, le colimaçon du bas sur la jambe encrée et gaufrée à chaud, augmentée de celui du dos de couverture, convainc du précieux sans orgueil de l’objet. Et du souhait d’entrer en tension entre plusieurs contraires, dont disions-nous, un éros d’antan tactile et un ethos actuel triste.
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Comme le textualise Caroline Lamarche, c’est tout un arsenal voyeur auquel recourt Nathalie Amand pour réaliser ses collages. Vingt-trois palimpsestes — des planches scientifiques –, cadencent la lecture de petits textes poétiques et plutôt descriptifs. Ils pêchent des mots perdus dans les légendes d’images d’anatomie, de botanique, découpées, assemblées, recomposées pour mettre au final en valeur des jambes et des fesses de femmes parfaites. Textes et images fonctionnent en acoquinements callipyges, et plus si affinités :
Valve, vulve, Foramen, »
orifices de la Térébratule
et toujours l’oeil.
Mots et illustrations se fondent dans une commune épistémologie des courbes naturelles, irrationnelles et féminines. Le tracé des chiffres, des lettres et des figures numérotées sert de base aux traits dessinés et ailés, de papillons, de libellules, et trouble à dessein la lecture du public-cible d’origine et détourné, comique, pour ne pas dire subverti :
Les étudiants pourront se guider
dans la cuvette liégée
de chaque côté de la ventouse anale.
Un ouvrage humide et soyeux, épais et parfumé, carnivore et sirupeux, pisse et pistil.
Tito Dupret