Anne-Marie WILWERTH, encres d’Éric HENNEBIQUE, Ce que le bleu ne sait pas du fragile, Taillis Pré, 2019, 97 p., 14 €, 978-2-87450-142-5
La poésie d’Anne-Marielle Wilwerth semble ici, plus que jamais, voguer à la crête des vagues. Largement inspiré de l’univers maritime dont l’auteure se sent proche, Ce que le bleu ne sait pas du fragile navigue de Charybde en Scylla vers un horizon visible mais indépassable. Sous le signe de la couleur bleue, si chère à l’écrivain-voyageur Nicolas Bouvier ou à Georges Perros dans ses Poèmes bleus, la poésie épurée – presque des haïkus – suit le rythme lent de l’eau. Elle en épouse le léger roulis, tangue sur l’océan de l’écriture qui est toujours à reprendre comme on reprend la mer après une escale forcée.
Écrire
un peu comme on maraude
et jeter l’ancre sans réfléchir
dans l’intensément
bleu
du vivre
Seul le silence, un des thèmes privilégiés de la poétesse, peut dénicher l’intensité du présent qui s’affirme. La poésie comme « un archet sur l’accordéon du silence » qui dit ce silence auquel il convient de prêter attention pour capter, avec humilité, les étincelles du vivant, les éclats du vent.
Les vagues
parlent si bas
qu’on les entend à peine
C’est l’instant où le silence
éteint l’incendie
des inutiles bavardages
L’auteure, bergère du silence, maîtrise à la perfection cette poésie de l’intime qui questionne la fragilité de notre présence au monde. Sans fracas, sans mots superflus, les textes pointent les soubresauts d’une époque, la nôtre, décidément bien trop volubile. Le silence de la mer dès lors fait du bien, apaise le lecteur qui prend, avec ces textes, le temps du souffle. Le temps d’un moment suspendu, comme quand on lit un recueil d’Anne-Marielle Wilwerth, sous une brise légère, à la terrasse d’un café face aux gréements bleus qui grincent dans un petit port de pêche.
Rony Demaeseneer